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3. Les facteurs qui influencent la communication interpersonnelle

Comprendre

Les études démontrent que nombre de facteurs peuvent influer sur la communication. Ainsi, la façon dont des interlocuteurs se positionnent dans l'espace joue un rôle important dans l'interaction. Au-delà des mots en eux-mêmes, un message est transmis par le biais du positionnement du corps dans l'espace et de la distance observée par les interlocuteurs l'un vis-à-vis de l'autre. Le contexte de la rencontre peut également influer, ainsi que l'environnement dans lequel elle se déroule. Des facteurs psychologiques et cognitifs peuvent aussi entrer en ligne de compte, les acteurs de la communication pouvant utiliser des stratégies comportementales particulières en fonction des enjeux existant à l'arrière-plan de l'interaction.

Le positionnement spatial

Nous l'avons vu dans le chapitre précédent, la façon dont nous nous positionnons dans l'espace par rapport aux autres leur envoie des messages. Que ce soit par la manière dont nous délimitons notre territoire, ou par le type de distance que nous mettons entre l'autre et nous, nous communiquons avec lui de façon non verbale.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les facteurs sociaux de positionnement dans l'espace

Le positionnement spatial qu'une personne adopte vis-à-vis d'une autre, est déterminé par un certain nombre de facteurs sociaux, ceux-ci étant non conscients la plupart du temps.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La position sociale

Lorsque des personnes occupent le même «rang» social, elles ont naturellement tendance à se positionner physiquement de façon proche. En revanche, lorsque les positions sociales sont différentes, l'écart entre elles a tendance à être plus grand. La personne de rang plus important a tendance à prendre l'initiative de s'approcher si nécessaire, alors que l'inverse est plus difficile : la personne de rang «moindre» (ou du moins cela est vécu comme tel) aura plutôt tendance à hésiter à le faire.
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B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing L'environnement culturel

En fonction des pays, l'espace interpersonnel sera plus ou moins important. Les personnes vivant dans les pays méditerranéens et au Moyen-Orient se tiennent moins loin les uns des autres lorsqu'ils communiquent que les Canadiens ou les personnes vivant dans les pays du Nord.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Le contexte spatial

Lors d'un échange, il apparaît que plus l'espace dans lequel les personnes se tiennent est grand, plus elles ont tendance à se tenir proches l'une de l'autre. À l'inverse, dans un espace confiné, les personnes auront tendance à plus s'éloigner l'une de l'autre.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Le sujet traité

Plus le sujet de conversation est intime, plus les interlocuteurs ont tendance à se rapprocher l'un de l'autre. À l'inverse, en cas de communication impersonnelle, ils se tiennent de façon plus éloignée. Par ailleurs, plus la teneur du message est agréable à entendre (compliments, félicitations), plus les personnes se rapprochent, et inversement.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Le sexe et l'âge

Le sexe et l'âge peuvent influer sur les distances interpersonnelles. Les femmes ont tendance à plus se rapprocher les unes des autres que ne le font les hommes. Quand les interlocuteurs sont de sexe opposé, ils ont tendance à garder une certaine distance. Par ailleurs, plus les sujets sont jeunes, plus ils ont tendance à se positionner de façon proche.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Le type d'évaluation a priori que l'on a sur une personne

Une personne aura tendance à s'approcher d'une personne qu'elle évalue a priori positivement, et à s'éloigner de celle qu'elle perçoit de façon négative (en fonction de son habillement, de sa manière de parler, de se mouvoir, etc.).

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing La territorialité

De façon très spontanée, nous avons tendance à marquer notre territoire. La notion de territorialité s'applique quand nous décidons de façon arbitraire qu'une place, un endroit spécifique nous «appartient» : une place que l'on délimite sur la plage avec des serviettes étalées, une place au cinéma que l'on marque comme sienne en posant un gilet sur l'assise pour la garder pendant que l'on va s'acheter une glace, etc. On se les attribue avec un sentiment de bon droit : on était là le premier et on en a fait la «conquête». Si quelqu'un nous conteste ce droit, nous nous sentons brimé et pouvons devenir agressif : l'autre ne respecte pas les codes territoriaux relevant du non-dit mais généralement admis.
Plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus cette territorialité est reconnue, et plus le territoire alloué est important : une place de parking marquée au nom d'un directeur ou d'un médecin, un grand bureau lumineux pour le PDG d'une entreprise, etc. La territorialité est donc en rapport avec la notion de puissance. Nier le «territoire» de quelqu'un en se mettant à sa place, c'est en quelque sorte nier sa puissance et son bon droit.
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B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les règles de proxémie

La distance physique qui s'établit entre les personnes a été nommée par Edward T. Hall la proxémie. C'est «l'ensemble des observations et théories concernant l'usage que l'homme fait de l'espace en tant que produit culturel spécifique».
La proxémie concerne donc la distance physique qui s'établit entre les personnes durant leurs différentes interactions ainsi que la manière dont elles gèrent leurs rapports à l'espace. Il apparaît en effet que quand deux personnes entrent en interaction, elles ne choisissent pas leurs positions respectives au hasard, mais que celles-ci dépendent en fait de la nature de leur relation (proche ou distante) et du type de communication désiré en fonction de la situation (soin, entretien, conférence, etc.).
Hall a mis en évidence le fait qu'il existe quatre grands types de distance physique entre les personnes dans leurs interactions (figure 3.1).

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La distance intime

La distance intime correspond approximativement à la longueur de l'avant-bras (15 à 45 cm). À cette distance, peut survenir un contact potentiel entre les protagonistes. Il y a un risque d'emprise. Les perceptions sensorielles (haleine, odeur, chaleur) sont importantes et elles s'imposent à l'autre. La distance intime correspond à l'espace que chaque individu reconnaît comme une sorte d'extension directe de son corps. Dans cette zone ne pénètrent que les intimes (relation amoureuse, amis proches, enfants) et toute intrusion non souhaitée dans cet espace provoque gêne et malaise et peut être vécue comme une agression. La personne qui voit son territoire intime envahi met aussitôt en place des mesures compensatoires telles que le fait de chercher à s'écarter, de fuir le regard de l'autre ou encore de pratiquer des autocontacts de réassurance, l'objectif étant de rétablir un équilibre et de rendre la situation moins inconfortable.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing C'est l'heure de pointe dans le métro. Un grand nombre de personnes pénètre dans le wagon. Chacun s'entasse dans l'entrée puis la porte se ferme et le train se met en branle. À l'intérieur, les personnes sont littéralement collées les unes aux autres. Chacun évite le regard de l'autre.
Être envahi dans sa distance intime fait partie du quotidien des habitants des grandes métropoles qui prennent le métro. C'est une situation qui se justifie socialement (une foule de personnes doit se déplacer au même moment). Bien que désagréable, elle est donc acceptée et acceptable pour les personnes, parce qu'elle est temporaire. Cependant, celles-ci mettent en place de fortes mesures compensatoires (fuite du regard de l'autre, déplacement pour éviter le contact direct).
C'est également dans cet espace que peuvent s'opérer réconfort (prise dans les bras) et protection. La voix joue un rôle mineur et les personnes dans cette proximité ont tendance à parler très bas, à chuchoter. La déformation visuelle est prononcée.
La distance intime proche (0 à 15 cm) correspond à l'espace de corps à corps de l'acte sexuel ou de la lutte. La déformation visuelle est importante, la vision de l'autre ne pouvant être que parcellaire. L'infirmier peut intervenir dans ce type de distance dans le cadre des soins de confort par exemple.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Daniel est aide-soignant. Il travaille en service de traumatologie. Aider une personne temporairement impotente à faire sa toilette au lit fait partie de son quotidien. Aujourd'hui, il se rend au chevet de Mme Nowak, une dame de 50 ans qui a été opérée il y a peu, suite à une fracture compliquée de l'épaule. Quand il entre dans la chambre pour lui annoncer qu'il va l'aider à faire sa toilette, elle détourne aussitôt la tête d'un air gêné (posture de rejet). Daniel installe tranquillement son matériel et prend le temps d'expliquer à Mme Nowak comment il va opérer. Celle-ci se met alors à observer ce qu'il fait, tout en se rongeant un ongle de sa main valide (autocontact manifestant de l'anxiété). Daniel continue de parler, pour la mettre en confiance. Il lui sourit et plaisante un peu. Il sait qu'il est important de mettre la patiente en confiance et que lui préciser le cadre de l'action soignante (un soin de nursing auprès d'une personne non autonome temporairement) permet de lever l'ambiguïté de la situation (un homme qui s'apprête à entrer dans la distance intime proche d'une femme). Tout au long de la toilette, il va ménager la pudeur de Mme Nowak, lui demandant régulièrement si ses manipulations sont OK par rapport à une douleur éventuelle, la laissant agir en autonomie dès que c'est possible, discutant par ailleurs avec elle de tout et de rien, pour l'aider à se détendre.
Si le fait d'entrer dans la distance intime des personnes soignées est fréquent dans la pratique infirmière, cela ne doit pas pour autant correspondre à un acte routinier. À chaque interaction de ce type, qu'elle soit initiale ou se renouvelle régulièrement auprès d'un même patient, l'infirmier doit toujours garder présent à l'esprit le fait qu'il opère dans une zone ultrasensible de la communication, la zone de distance intime.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La distance personnelle

La distance personnelle correspond approximativement à la longueur du bras (45 cm à 1,20 mètre). C'est la zone des relations amicales et des conversations courantes. Cette distance correspond à la bulle personnelle dans laquelle la personne peut s'isoler des autres.
– Dans la distance personnelle proche (de 45 à 75 cm), la personne reste à portée de geste. Le contact corporel est possible, donc également le risque d'emprise. Les positions des protagonistes reflètent la relation engagée et les sentiments existant entre les personnes.
– Dans la distance personnelle éloignée (de 75 cm à 1,20 mètre), il n'y a plus de possibilité d'emprise physique à moins de déplacement de l'un des protagonistes. Cet espace correspond à une zone d'échange personnalisé dans des circonstances qui demandent une certaine proximité : demande particulière à poser, confidence à faire, etc. À cette distance, il y a vision d'une personne assise dans son entièreté. Les odeurs et l'haleine peuvent encore être perceptibles, mais il n'y a plus de perception de chaleur. C'est dans cet espace que se déroulent les entretiens infirmiers. Dans ce type de distance, un échange impliqué peut se prolonger. Comme dans la distance intime, un ton de voix bas encourage l'échange.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Alexandra accueille Mme Noirot dans le bureau infirmier. Elle l'invite à s'installer dans le fauteuil qui se trouve derrière le bureau et elle-même s'installe dans celui qui se trouve de l'autre côté. Elle et Mme Noirot se trouvent placées à présent à environ 1,20 mètre l'une de l'autre. C'est une distance dans laquelle l'une et l'autre vont se trouver à l'aise durant le déroulement de l'entretien : suffisamment proche pour recueillir des éléments personnels et suffisamment éloignée pour ne pas se sentir mal à l'aise du fait d'une trop grande proximité physique. Le bureau représente également une barrière de «protection».

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La distance sociale

La distance sociale correspond à l'espace de sécurité nécessaire à un individu pour s'isoler des autres (1,20 à 3,50 mètres). Cette zone d'interaction favorise un échange direct et personnalisé dans une distance qui permet cependant de préserver l'intimité des personnes. Le contact corporel n'est plus possible, à moins d'un déplacement. Dans cet espace, l'échange qui se déroule ne dure pas trop longtemps, le temps d'une première rencontre entre deux personnes ne se connaissant pas, ou d'un échange entre collègues, par exemple. Cette distance ne favorise pas la confidence intime, et plus elle sera éloignée, plus l'échange sera formel. La voix doit être haute et distincte pour qu'il y ait compréhension.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Nicolas et Jean-François, infirmiers, profitent de leurs 10 minutes de pause pour parler de leur passion commune : le foot. Tenant leur tasse à café à la main, ils sont positionnés à environ 2 mètres l'un de l'autre, debout. L'un est adossé contre le mur et l'autre contre un meuble. Ils parlent d'une voix assez haute. Quand Josiane, l'aide-soignante, entre dans la salle à café, elle n'a pas l'impression de déranger un échange confidentiel.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La distance publique

Dans cette zone (au-delà de 3,50 mètres), les communications faites sont susceptibles d'être partagées par toutes les personnes environnantes. C'est la distance des conférences face à un public, des communications générales faites à des groupes. Pour être entendue, la personne qui communique doit le faire avec un ton de voix haussé qui n'est pas naturel. Cette distance n'est pas favorable à un échange individualisé. Aucune communication personnelle ne doit y être faite (annonce de nouvelle personnelle) car celle-ci risque d'être entendue par les personnes environnantes non concernées.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Léna, étudiante en soins infirmiers en première année, sort du bureau infirmier et interpelle Delphine, l'infirmière du service qui se trouve dans le couloir, à 5 mètres de là, entourée de deux patientes avec qui elle discute.
• Delphine! Je viens d'avoir un appel du laboratoire. Il y a un gros problème à propos des résultats d'analyse de Mme…
• OK Léna! l'interrompt aussitôt Delphine en levant la main (geste adaptateur qui vise à arrêter la confidence).
Elle rejoint aussitôt Léna et l'entraîne dans le bureau infirmier. Elle ferme la porte derrière elles et lui explique alors :
• On ne doit pas crier à travers les couloirs pour se communiquer des informations personnelles sur les patients, tu sais. Tu aurais dû simplement m'appeler pour que je te rejoigne dans le bureau.
Et Delphine lui explique alors les règles de confidentialité.
La distance publique n'est absolument pas propice au partage d'une information à caractère confidentiel. C'est la distance proche qui est plutôt indiquée, ainsi que la distance intime (dans ce cas, cependant, elle revêtira un caractère de proximité affective forte).
Dans la distance publique éloignée (au-delà de 7,5 mètres), en l'absence de micro, il y a peu de perception de la voix naturelle, à moins que celle-ci ne soit forte. L'élocution est ralentie. Ce sont surtout les gestes et les postures qui sont perceptibles.
Ces distances s'appliquent essentiellement aux peuples occidentaux et n'ont pas de valeur universelle. Selon Hall, «les individus de cultures différentes habitent des mondes sensoriels différents», apprenant dès l'enfance à adapter l'espace dans lequel ils vivent en fonction des situations. Par exemple, pour les peuples méditerranéens, les notions de distance personnelle ou intime existent peu, alors que pour les peuples nordiques, elles sont plus importantes.
Les interlocuteurs adoptent donc telle ou telle distance en accord avec leur stratégie communicative. Il a été également démontré que si l'on impose des contraintes proxémiques aux protagonistes d'une relation, cela a un impact sur la communication et la perturbe.

Les Facteurs Contextuels et Environnementaux

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le contexte situationnel

Le contexte situationnel dans lequel se déroule un échange est en lui-même porteur de normes et de règles et il peut constituer un élément structurant de la situation. Ainsi, s'il n'est pas «correct», dans une situation courante, de poser des questions personnelles lors d'une première rencontre, quand il s'agit d'un entretien infirmier d'accueil, c'est acceptable par le patient, même s'il manifeste des réticences. Le contexte situationnel dans lequel se déroule l'échange (la rencontre d'un infirmier dans le bureau d'un service de soins) met un cadre particulier à la rencontre : la garantie de confidentialité, la nécessité de collecte d'informations privées pour le recueil d'anamnèse, etc.
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Par ailleurs, le temps nécessaire à certaines situations interactionnelles doit être respecté. Les entretiens d'accueil, de relation d'aide ou de soutien dans un moment de crise ne peuvent être «expédiés» en quelques minutes, sous prétexte d'une charge de travail trop importante. Dans une organisation idéale, ces temps d'entretien spécifiques doivent être inclus dans la charge de travail.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le contexte environnemental

L'aspect d'un lieu dans lequel se déroule une interaction et la façon dont l'espace y est aménagé peuvent avoir une influence importante sur la façon dont se développe celle-ci. Par exemple, les locaux hospitaliers dégagent une odeur particulière et ont un aménagement spécifique qui peuvent d'emblée produire un effet sur un futur patient (craintes concernant l'évolution de sa maladie éventuelle ou de celle d'un proche hospitalisé, peur de la souffrance, etc.).
Dans un bureau d'entretien, l'adaptation et le confort du mobilier, son aménagement dans l'espace peuvent favoriser la communication ou au contraire la perturber.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Dominique travaille depuis des années dans une unité d'admission de psychiatrie adulte. Le projet de l'hôpital prévoit l'abandon de ces locaux dans un futur moyennement proche, ainsi que l'intégration de ce service dans une structure nouvelle encore en projet. Les locaux sont devenus vétustes et nécessiteraient bien un ravalement complet, mais la situation spécifique (une volonté de ne pas investir trop de fonds dans des locaux voués à la destruction) l'empêche. À chaque fois que Dominique fait l'admission d'un nouveau patient, elle voit bien qu'il regarde autour de lui d'un air peu rassuré, et elle doit déployer toutes ses capacités d'accueil et d'empathie bienveillante pour le rassurer. Cela prend parfois du temps.
Les bruits parasites (téléphone qui sonne et interrompt l'échange), un aménagement inconfortable ou mal adapté (chaises dures, bureau immense dans une toute petite salle, etc.) peuvent également perturber la communication. L'aménagement de l'espace est donc important.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Heureusement, dans le service de Dominique, les entretiens de relation d'aide se déroulent dans une pièce bien aménagée. Les fauteuils sont confortables, disposés à environ 1,20 mètre l'un de l'autre, c'est-à-dire à une distance qui facilite l'échange, et l'éclairage est chaleureux. La pièce, située dans une aile, se trouve suffisamment loin du cœur du service et de ses bruits habituels. On y est comme dans un «cocon». Les patients qui y viennent s'y sentent immédiatement à l'aise pour la plupart. L'échange en est facilité.

Les facteurs cognitifs

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le système cognitif du récepteur

Chaque personne dispose de son propre mode de pensée, d'organisation et de traitement de l'information reçue. Elle véhicule également des croyances inconscientes acquises par l'éducation, l'apprentissage social et les expériences individuelles. Pour qu'une communication opérante se mette en place, il est nécessaire que l'émetteur prenne en compte le système cognitif du récepteur, dans sa manière de coder son message par le choix d'un certain vocabulaire, par exemple.
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B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Renaud est âgé de 50 ans et il est agriculteur. Il n'a pas fait d'études, son expertise professionnelle s'étant développée au contact de son père qui l'a bien «formé». Quand il est hospitalisé pour la première fois en hôpital général suite à un infarctus, il se sent perdu. Quand le médecin lui parle, il a du mal à le comprendre. Il trouve que celui-ci utilise des mots compliqués. Ces mots savants l'inquiètent. Ils lui font penser que sa situation est grave. Heureusement, la jeune interne qui a assisté à la visite médicale comprend son désarroi. Elle lui explique avec des mots très simples ce qui vient d'être dit, faisant appel à des images (pensée analogique) au besoin. M. Renaud la remercie, soulagé. En fait, il comprend qu'il s'en tire avec un suivi médical, un traitement et un changement d'hygiène de vie. C'est sûr, ça ne va pas être simple de changer ses habitudes, mais il préfère ça au fait de finir entre quatre planches… Parce que c'est ce qu'il avait compris.
Le langage médical est employé naturellement dans le milieu des soins. C'est le langage commun appartenant à la fonction. Pour une personne extérieure à ce milieu, être «submergée» par ce type de langage peut être inquiétant. Celui-ci concerne sa santé et elle ne le comprend pas. Elle peut tout imaginer. Il est donc nécessaire d'adapter son langage, au besoin en utilisant des métaphores, pour aider la personne malade à comprendre son problème et comment elle peut s'y adapter.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le système cognitif de l'émetteur

Un état d'inattention, le vagabondage de la pensée, les problèmes de mémorisation, qu'ils soient dus à la fatigue ou non, perturbent la communication interpersonnelle. Le récepteur capte le langage non verbal de l'émetteur et, face à une personne au regard non présent, il ne se sent pas encouragé à communiquer.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Valérie est en formation professionnelle dans son hôpital. À midi, elle fait un saut dans son service pour consulter son planning. Mme Audiger, une patiente qu'elle voit régulièrement en entretien, l' «attrape» alors qu'elle passe dans le couloir pour lui parler d'un appel téléphonique problématique qu'elle vient de recevoir. Valérie n'a qu'une envie : s'éclipser. Pourtant, elle s'arrête et écoute patiemment la patiente. Au bout de quelques minutes, Mme Audiger s'interrompt et lui dit : «Je vous parlerai de tout ça une autre fois. Là je vois bien que vous êtes pressée». Valérie est surprise car elle n'a pas l'impression d'avoir manifesté des signes d'impatience.
En fait, Mme Audiger a été capable de décoder les messages non verbaux de Valérie et a préféré interrompre la communication.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le système de représentation de la réalité externe

Chaque personne (ou groupe de personne) va avoir tendance à se forger une image, une représentation du réel, lui attribuant une signification particulière. La représentation sociale constitue donc une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social.
Ces représentations se constituent à partir des expériences vécues, des informations, des modèles de pensées reçues et transmises par l'éducation, la tradition et la communication sociale.
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B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Dans les années 1980, pour le grand public, les personnes atteintes du sida étaient considérées comme potentiellement dangereuses pour autrui avec un risque de transmission par simple contact. Elles étaient rejetées telles des «pestiférées» en dépit de toutes les explications scientifiques concernant les modes réels de transmission de la maladie.
La personne développe donc un système de croyances qui influence d'emblée la communication.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Le système de représentation du soi

La représentation qu'une personne a d'elle-même a été forgée au fil de ses expériences positives et négatives de vie, en fonction de la manière dont elle les a interprétées. Le concept de soi désigne l'ensemble des connaissances qu'une personne possède à propos d'elle-même.
Le soi a trois composantes : cognitive, affective et comportementale.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La composante cognitive

La composante cognitive correspond à l'ensemble des idées qu'une personne a sur elle-même. C'est ce qu'on appelle la connaissance de soi. Cette connaissance de soi est composée en fait de schémas cognitifs. Ceux-ci sont «des identités organisées qui contiennent à un moment donné tout le savoir d'un individu sur lui-même et sur le monde : ils guident l'attention et la perception sélective des stimuli environnementaux9». Par exemple, les schémas cognitifs peuvent s'énoncer ainsi : «Les événements de ma vie m'ont démontré que je suis une personne dynamique, qui a de la ressource et qui finit toujours par s'en sortir, finalement». Ou au contraire : «Je n'ai pas beaucoup de valeur en tant que personne, je finis toujours par échouer, quoi que je fasse». Cette composante cognitive s'est construite au cours de l'enfance, au fur et à mesure que la personne recevait des messages encourageants ou décourageants de son entourage, les expériences vécues venant confirmer globalement cette croyance.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La composante affective

Un enfant qui vit dans une ambiance générale de désapprobation va développer un processus circulaire d'estime de soi négative (figure 3.3). Il développe des attentes négatives en ce qui concerne les événements de sa vie. Son pessimisme l'amène à avoir des difficultés à faire des efforts, ce qui précipite l'échec. Chaque échec vient confirmer la croyance négative qu'il a par rapport à lui-même. Ensuite, il s'autoblâme, ce qui confirme son estime de soi négative. Au fil des expériences de vie, ce processus circulaire s'ancre dans la personne. Il influence son mode d'engagement dans la vie, mais aussi son mode de communication avec autrui, au travers de ses messages verbaux, paraverbaux et non verbaux.
Au cours de sa vie, une personne va évoluer. Une personne ayant une bonne estime d'elle-même peut, suite à des aléas répétés de vie, se retrouver temporairement dans un processus circulaire d'estime de soi négative. Une personne ayant une mauvaise estime d'elle-même peut également voir son estime d'elle-même restaurée grâce à un accompagnement psychothérapeutique.
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B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La composante comportementale

La composante comportementale correspond aux actions exécutées en situations interpersonnelles. Il s'agit de l'aspect de soi que la personne présente aux autres, au travers de ses actions. Cette composante comportementale va la plupart du temps refléter ses composantes cognitives. Comme nous l'expliquions dans le paragraphe précédent, la communication non verbale qui s'exprime dans les mimiques, la gestuelle, etc. témoigne du type d'estime de soi véhiculé par la personne.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Longchamp souffre d'alcoolisme depuis de longues années et il se présente dans un service de psychiatrie afin de faire une cure de sevrage. Il en est à sa douzième cure. Il explique à Valérie, l'infirmière qui l'accueille, que sa famille n'y croit plus, qu'elle pense qu'il n'a aucune volonté. Dans son discours, il se décrit lui-même comme quelqu'un de faible, pas très intelligent et peu fiable (composante cognitive). Les sentiments qui sont perceptibles quand il parle sont la tristesse, le dégoût de soi et le découragement (composante affective liée à ses schémas cognitifs). M. Longchamp se tient tassé sur sa chaise, les épaules rentrées, comme s'il cherchait à se faire le plus petit possible. Il est vêtu d'habits passe-partout un peu informes et ses chaussures ont l'air d'avoir connu des jours meilleurs (composante comportementale qui comprend à la fois la façon dont il sepositionne face à l'autre et la manière dont il s'habille, qui constitue également un message). Valérie lui sourit gentiment, son regard témoigne de l'intérêt, sa gestuelle est ouverte. Quand elle lui parle, sa voix est chaleureuse.
L'estime de soi de M. Longchamp est basse et sa vision de lui-même est négative. La manière dont il s'évalue a une influence sur la façon dont il communique avec son entourage proche, le discours de celui-ci venant confirmer la manière dont il se perçoit lui-même. Valérie pose sur lui un regard d'acceptation : elle sait que l'alcoolisme est une maladie, que M. Longchamp n'est pas faible, mais malade, que ses événements de vie l'ont amené à perdre peu à peu son estime de lui-même. La manière de communiquer de Valérie avec M. Longchamp relève donc d'un savoir-être professionnel qui repose sur une connaissance du processus psychologique à l'œuvre chez celui-ci.
C'est le savoir-être soignant, au travers de la prise en charge globale, somatique et psychique, qui va contribuer à aider peu à peu M. Longchamp à contacter ses ressources, à changer son image de lui-même et à restaurer son estime de lui-même.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les deux types de conscience de soi

Dans ses communications, l'émetteur doit tenir compte de la représentation que la personne a d'elle-même, en fonction de son moi privé ou moi intime (l'image qu'elle a d'elle-même) et de son moi public (l'image qu'elle souhaite donner d'elle-même aux autres). Ces deux éléments vont avoir une influence sur la communication. Une personne se positionnera de façon différente dans une communication en fonction du fait qu'elle se sente faible et impuissante, ou forte et sûre d'elle (positionnement physique, ton de voix, gestes, etc.). Le soi privé fait surtout référence aux composantes affectives et cognitives du soi, alors que le soi public est en rapport avec la composante comportementale de la personnalité.
Par ailleurs, plus il y a de distance entre l'image que l'on cherche à donner de soi, le soi public, et le soi privé, plus on est habité par des tensions internes du fait de cette incongruence.

Les facteurs psychologiques

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Comportements d'approche et d'évitement

Selon la psychologie sociale, chacun des acteurs d'une situation de communication y est engagé avec son type de personnalité et son fonctionnement psychique. Selon Lewin11, chaque personne est soumise à un ensemble de forces d'origine externe, c'est-à-dire issues de son environnement, ou d'origine internes, c'est-à-dire liées à son histoire personnelle et à son implication dans la situation. Ces forces entraînent l'émergence de besoins chez la personne, créant un état de tension interne. Cet état va engendrer des comportements d'approche ou d'évitement, ceux-ci ayant pour but de diminuer l'état de tension, dès qu'il y a satisfaction des besoins.
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B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les forces positives

Les forces positives sont en lien avec le besoin de s'accomplir, de croître, d'atteindre des objectifs. Elles créent chez le sujet un état de tension interne et, pour le résoudre – c'est-à-dire pour diminuer l'état de tension –, celui-ci va mettre en place un type particulier de comportement : le comportement d'approche. Orienté vers son but, le sujet est dans une dynamique constructive, se sent renforcé dans ce qu'il est et recherche le contact des personnes qui peuvent l'aider à répondre à ses besoins.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les forces négatives

Les forces négatives sont en lien avec le besoin d'éviter les personnes ou les situations qui créent chez le sujet un état de tension interne désagréable.
Ce type de situation est susceptible de mettre en danger l'estime de soi de la personne, sa situation, son équilibre psychique interne, etc. Pour éviter cet état, cette dernière met en place un comportement d'évitement.
Dans toute situation de communication, les protagonistes sont donc tributaires de tensions positives et négatives, et ils visent à atteindre un double objectif : s'accomplir tout en évitant les situations vécues comme menaçantes (figure 3.4).
Ainsi, le message élaboré par un émetteur n'est pas uniquement façonné en fonction de ce qu'il est pertinent de transmettre; il est également tributaire de la dynamique psychique de la personne elle-même.
Cette double dynamique, alternant les forces positives et négatives, correspond au jeu existant entre les désirs et les défenses développé par le modèle analytique, lequel explique que les pulsions et les désirs non acceptables par le Moi génèrent de l'angoisse et sont systématiquement refusés, oblitérés par la conscience.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Communication explicite et communication implicite

Toute communication repose sur un système de contrôle (inconscient la plupart du temps) qui sélectionne, filtre et code l'information. Certains de ces systèmes vont biaiser le déroulement de l'interaction.
Dans une communication interpersonnelle, il a été mis en évidence qu'en-deçà de la notion de message à faire passer, il y a un partage de «significations» qui s'opère. En effet, au-delà de la signification linguistique d'un message, il existe une certaine intentionnalité implicite chez celui qui parle. Il cherche, sans l'exprimer de façon claire, à produire un effet sur l'auditeur. C'est donc une forme de message à double sens, explicite et implicite.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Brigitte est infirmière. Elle travaille depuis 10 ans dans un service de chirurgie digestive. Quand elle prend connaissance du planning mensuel que son cadre vient juste d'afficher, elle se met à pester intérieurement : elle doit travailler le week-end de la Pentecôte, alors qu'elle a prévu une sortie en famille. Elle trouve que c'est souvent sur elle que ça tombe. Plus souvent que sur Karine, par exemple, qui elle est en congé ce week-end-là. Brigitte trouve que ce ne serait que justice que Karine la remplace. Au moment de la pause, elle se plaint auprès d'elle, mi-figue, mi-raisin :
• Tu vas bien t'amuser, toi, le prochain week-end. Moi, ça m'en fera trois d'affilée, et je suis déjà épuisée…
Karine compatit sans saisir l'allusion. Un peu plus tard, après avoir ruminé sa rancœur, Brigitte lui fera des reproches, la traitant d'égoïste.
Brigitte n'ose pas faire de demande directe à sa collègue, elle ne fait que se plaindre. Elle espère que Karine va comprendre sa demande implicite : que celle-ci travaille à sa place le prochain week-end (sens implicite). Mais Karine s'en tient à la signification explicite.
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B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les mécanismes de défense

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La projection

B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Christophe est un patient psychotique chronique qui vit en structure hospitalière. Depuis 4 ans, il part en vacances durant l'été, intégrant pour 2 semaines une structure spécialisée. La première année, cela a été difficile, malgré la présence de son infirmière référente qui l'a accompagné afin qu'il ne perde pas tous ses repères. Il a fini par «accrocher» avec l'une des accompagnatrices et est reparti sans problème au même endroit les années suivantes. Cette année, François, le nouvel infirmier référent de Christophe, a trouvé un catalogue avec plusieurs choix de structures spécialisées de vacances possibles. Il lui montre d'emblée une page qu'il a sélectionnée, disant sur un ton enthousiaste :
• J'ai trouvé ce qu'il vous faut, Christophe! Ce camp de vacances-là est directement sur la plage! Vous pourrez vous baigner tous les jours dans l'océan! Sauter dans les vagues! Ça c'est ce que j'appelle des vacances. Vous avez de la chance!
• Vous savez, moi j'aime pas les grosses vagues. Je préfère aller dans les Vosges…
• Ça fait 4 ans que vous allez dans les Vosges! Vous allez vous ennuyer. Il n'y a pas grand-chose à faire dans cette région. Et il n'y a pas l'océan.
• Moi, j'aime bien aller me promener avec l'accompagnatrice Marina dans la forêt. Il y a des écureuils roux. Et on cueille des champignons.
• Mais c'est bien de changer! Aller toujours au même endroit en vacances, c'est complètement rasoir. Ça va vous faire du bien.
Etc.
Cet échange est un cas typique de projection. L'infirmier «n'entend pas» les besoins de Christophe, projetant sur lui ses propres goûts (se baigner dans l'océan, changer régulièrement de lieu de vacances, etc.). C'est d'autant plus grave dans ce cas précis que Christophe, du fait de sa pathologie, n'aime pas les changements et a des peurs spécifiques qu'il convient de respecter. Le fait de retourner dans un lieu familier, auprès de personnel connu, ménage son sentiment de sécurité.
De façon générale, élaborer des projets de soins «pour» les patients sans rechercher leur adhésion réelle, sans écouter leurs désirs spécifiques est voué à l'échec à plus ou moins long terme. Dans le cas de Christophe, un risque de décompensation anxieuse est possible, du fait du manque de repères.
Le phénomène projectif peut se manifester également d'une autre manière. Une personne ressent de la rancœur envers son interlocuteur et dit de lui : «Cet homme m'en veut», alors que c'est inexact. En fait, elle lui attribue ses propres sentiments. Cette position lui permet de justifier l'extériorisation de sa propre agressivité.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La mémorisation sélective

Au-delà du simple fonctionnement neuronal, les processus mémoriels sont déterminés par des facteurs affectifs, cognitifs, idéologiques, etc. Dans une communication courante, le récepteur a tendance à ne pas retenir ce qui ne lui convient pas, c'est-à-dire ce qui n'est pas en congruence avec lui.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La scotomisation

Il s'agit de l'élimination pure et simple d'une réalité indésirable et menaçante du champ de la conscience du sujet. Littéralement, la personne «n'entend pas» ce qui lui est dit.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Le père de Mme Nadeau vient d'être hospitalisé en service de cardiologie. Il est à peine installé qu'il fait un infarctus massif et décède malgré les soins d'urgence prodigués. Le médecin du service l'annonce à Mme Nadeau, au moment où celle-ci arrive dans le service pour apporter des affaires à son père. Elle fixe le médecin sans réaction et se rend à la salle de soins pour demander aux infirmières : «Pouvez-vous me dire où se trouve la chambre de mon père, s'il vous plaît? »
L'annonce de la mort de son père est impossible à entendre pour Mme Nadeau car le choc est trop fort. Elle l'élimine du champ de sa conscience, est littéralement «sourde» au mot «décédé». La scotomisation est une forme de déni poussé à son extrême.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing La négation de l'autorité de la source

Une personne peut entreprendre de dévaloriser une personne qui émet un message dérangeant. Pour ce faire, elle va remettre en cause son autorité, sa pertinence, sa bonne foi, etc. Elle s'autorise ainsi à ne pas prendre en compte le message reçu.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Franck est infirmier en psychiatrie depuis plus de 20 ans. Le jour où, en vertu d'une nouvelle politique de formation des personnels soignants, son cadre l'inscrit d'office à la formation de relation d'aide, il est très fâché et vexé.
• Après 20 ans de service, je n'en ai pas besoin. Mon expérience est suffisante!
Dès le premier jour de formation, il entreprend de dénigrer l'autorité et la compétence de la formatrice (tout à fait capable au demeurant). Il remet systématiquement en question la stratégie de formation et émet des critiques sarcastiques au moment des pauses en compagnie des autres stagiaires. Le groupe est mal à l'aise, et il y a de nombreux silences. Au fait des stratégies relationnelles, la formatrice repère rapidement le manège de Franck et, à l'occasion d'une pause, elle le confronte à ce qu'elle a observé.
• Je suis ici parce qu'on m'y a obligé! s'exclame-t-il, en colère.
La formatrice accueille ses récriminations calmement, puis lui rappelle alors qu'il est un adulte autonome et que si réellement la formation ne lui convient pas, il peut faire le choix de la quitter. Elle propose même d'en parler à son cadre. Franck, refroidi, se calme aussitôt. Il explique alors qu'il en «a fait d'autres» et que s'il fait des vagues à cette formation, cela aura des conséquences pour lui.
• OK répond la formatrice, conciliante mais ferme. Restez, mais cessez vos comportements de sape.
Le reste de la formation se déroule sans autre incident.
Les mécanismes de négation d'autorité de la source, surtout en animation de groupe, sont à repérer et à recadrer rapidement, avec une confrontation calme mais ferme. Lorsqu'un patient contacte à dessein les autres patients dans le but de dénigrer le travail effectué par les soignants et le médecin du service, il est dans un processus de négation d'autorité de la source.

Enjeux et stratégies

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les enjeux en communication

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les enjeux symboliques

B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Rachel travaille dans un service de soins pour personnes toxicomanes. Elle est devenue infirmière car, selon elle, elle aime par-dessus tout être utile et aime aider son prochain.Dans son travail, elle a tendance à répondre toujours oui aux demandes des patients, quelles qu'elles soient, et elle déteste avoir à dire non. Elle a alors du mal à supporter le regard de reproche qu'on lui jette. Elle a l'impression qu'on ne l'aime pas. Ses moments préférés sont ceux où les personnes qu'elle a aidées la remercient. Leur regard la valorise, elle se sent aimée, appréciée. Elle adore entendre les mots : «Vous êtes vraiment une gentille infirmière! » Ses collègues ont beau lui expliquer que son positionnement est problématique (c'est un service dans lequel il est important de poser un cadre strict aux soins), elle n'en change pas.
En fait, Rachel trouve dans son travail un moyen de restaurer une estime de soi défaillante. Elle est sans cesse en recherche de valorisation et de reconnaissance auprès des patients. Elle a besoin de se sentir «aimée» par eux. Derrière le but utilitaire annoncé par Rachel (l'enjeu opératoire : être utile à l'autre), il y a en réalité une recherche de gain subjectif et symbolique personnel : être valorisée et aimée par l'autre.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les enjeux identitaires

Dans toute rencontre sociale existe une part de risque, essentiellement celui de perdre la face c'est-à-dire de subir une blessure narcissique. Une personne peut refuser de parler en public par crainte de manifester publiquement son ignorance, par exemple. La personne qui s'exprime se met en scène (habillement, ton, langage, gestuelle affectée), son objectif essentiel étant de présenter à l'autre une image d'elle-même valorisée et valorisante, c'est-à-dire conforme à ses valeurs et modèles de référence censés la rendre crédible vis-à-vis de l'autre12.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les enjeux territoriaux

B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Mme Langlois est hospitalisée dans une chambre double. Sa voisine, une dame de son âge, ne lui plaît pas trop. Elle est bruyante et volubile (envahissement de l'espace sonore), s'approche très près de Mme Langlois pour lui parler (envahissement de l'espace personnel) alors que celle-ci préférerait être tranquille, lui touche le bras à tout bout de champ quand elle s'adresse à elle (envahissement de l'espace intime), lui pose plein de questions personnelles (intrusion dans l'espace intime symbolique) auxquelles elle évite de répondre. Un matin, Mme Langlois constate que sa brosse à cheveux, qui d'habitude se trouve enfermée dans sa trousse de toilette, est posée sur le lavabo du cabinet de toilette commun, pleine de cheveux inconnus. Interrogée, la voisine explique de façon désinvolte qu'elle a égaré sa brosse et qu'elle s'est «permis d'emprunter la sienne». Pour Mme Langlois, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Elle se met en colère et dit ses «quatre vérités» à sa voisine de chambre.
Quand il est hospitalisé, le patient se retrouve dans un territoire inconnu et insécurisant. L'endroit est impersonnel, c'est sa santé qui est en jeu, «on» va intervenir sur son corps à son corps défendant, etc. Il ressent alors comme nécessaire de voir respecter son «territoire» personnel symbolique («son» lit, «ses» affaires personnelles, «sa» bulle personnelle) par les autres patients et le personnel soignant. L'objectif est important : il s'agit de se protéger contre une pénétration intrusive dans l'intimité. C'est l'une des raisons pour lesquelles le soignant doit manifester du tact dans sa manière d'approcher la personne, tant au niveau physique que relationnel.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Léon est hospitalisé en psychiatrie pour des troubles anxiodépressifs. Il suit l'infirmière Emmanuelle en salle d'entretien car elle lui a proposé de faire un petit point sur son hospitalisation.
• Il s'agit d'un entretien que nous proposons à chaque patient le lendemain de son arrivée, lui a-t-elle expliqué.
M. Léon a dit oui, mais il n'en pense pas moins. En fait, il est persuadé qu'Emmanuelle va lui poser plein de questions personnelles «pour creuser et l'obliger à mettre ses tripes sur la table». Il a déjà eu affaire à ce type d'infirmier et il n'a aucune envie de se livrer. Il s'assoit dans le fauteuil que lui propose Emmanuelle et, pendant qu'elle prend place en face de lui, il croise bras et jambes (gestes barrières) et affiche une mine fermée (mimique de fermeture). Emmanuelle le note discrètement. Comme annoncé, elle se contente alors de demander gentiment à M. Léon comment se passe son hospitalisation. Elle l'écoute quand il se plaint du confort de sa chambre, du bruit fait par son voisin de chambre, etc. Elle lui demande ensuite s'il a des questions à lui poser, et étant donné que non, elle propose à M. Léon de mettre fin à l'entretien. Celui-ci se lève, surpris. En retournant vers sa chambre, il se dit que, finalement, cette «petite infirmière ne l'a pas mis trop mal à l'aise». Elle a eu la patience de l'écouter se plaindre et n'a pas cherché à lui faire mettre ses tripes sur la table. La prochaine fois, il lui parlera peut-être de ce qui le chagrine.
Emmanuelle a d'emblée repéré la position défensive adoptée par M. Léon, celle-ci reflétant son positionnement défensif concernant l'expression de sentiments intimes. Lorsqu'on respecte les défenses d'un patient, reconnaissant les enjeux territoriaux et identitaires en jeu, cela contribue à l'aider à les abandonner peu à peu.
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B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les stratégies identitaires

Communiquer avec l'autre engendre une prise de risque, celui de perdre la face, d'être critiqué, voire ridiculisé. Plus une personne aura une estime de soi forte (plus elle aura donc intégré une image de soi valorisée), plus elle sera encline à prendre des risques en communication, car une critique ne suffira pas à l'abattre. Une personne ayant une estime de soi basse, en revanche, sera plus prudente dans ses interactions avec autrui. L'infirmier qui adopte une attitude acceptante, valorisante et empathique encourage une telle personne à s'exprimer. Sa manière de la considérer la valorise et l'aide à intégrer une image positive d'elle-même.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les stratégies d'affirmation de soi et de protection de soi

Au vu des risques identitaires encourus lors d'une interaction, la personne va mettre en place une stratégie qui va viser à défendre une identité positive et valorisée. Le fait d'avoir de la valeur à ses propres yeux ainsi qu'à celui des autres constitue pour elle un besoin identitaire essentiel (le regard positif de l'autre étant le plus important pour elle). Pour obtenir la valorisation d'autrui, elle va mettre en avant ses qualités, ses créations personnelles, ses réussites, tout en dissimulant ses échecs et ce qui pourrait donner d'elle une image négative. Elle doit cependant le faire de façon subtile, sinon elle risque d'être jugée comme imbue d'elle-même.
Toute personne tend à s'affirmer, à être en quête de reconnaissance extérieure. Une tension s'instaure cependant entre le besoin d'affirmation de soi et le besoin de protéger une image valorisante de soi. La personne peut osciller entre une attitude exprimant la confiance en soi et une attitude en retrait, hésitant alors à s'exprimer. La communication avec autrui constitue donc un compromis permanent entre affirmation de soi et protection de soi.
Effectuer une demande auprès d'autrui nécessite une certaine capacité d'affirmation de soi, un non n'étant alors pas considéré comme dramatique. Cependant, une personne présentant une estime de soi basse, peu sûre d'elle, pourra redouter un refus au point d'hésiter à poser sa demande, voire d'y renoncer. Le refus peut susciter chez elle la peur d'être rejetée, de ne plus être appréciée, de provoquer la colère de l'autre, etc. Elle sera alors inhibée.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les processus d'assimilation et de différenciation

Notre identité personnelle repose à la fois sur ce qui nous rend semblable à l'autre, c'est-à-dire ce que nous partageons avec lui (hobby, identité professionnellse, âge, etc.) et sur ce qui nous en différencie. Dans notre relation à l'autre, nous sommes portés par ces deux mouvements opposés : l'assimilation et la différenciation. Suivant les situations, nous cherchons à nous rapprocher d'autrui, à mettre en avant ce qui nous rend semblable à lui (par exemple : «Nous les infirmiers, nous sommes adaptables et au service de l'autre par excellence»); c'est alors l'assimilation. Ou alors, nous adoptons des stratégies pour nous différencier de lui, nous séparer de lui dans le but d'affirmer notre singularité et notre différence (par exemple : «Moi je souhaite avoir mon week-end de congé, parce qu'il n'y a pas de raison que ce soit toujours moi qui “trinque” au niveau planning»); c'est alors la différenciation.
La similitude a une fonction essentiellement sécurisante : elle génère un effet miroir qui vient confirmer le Moi à travers celui du semblable et permet un étayage réciproque. Le Moi de chacun se sent alors renforcé. Cependant, pour qu'il y ait individuation, il est nécessaire qu'il y ait différenciation. Dans une interaction, certaines colères, manifestations d'opposition et de désaccord peuvent être vues comme autant de tentatives d'individuation et de différenciation. L'idéal pour une personne est en fait de pouvoir se positionner dans sa différence avec calme et assurance.
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B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les stratégies relationnelles

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les jeux psychologiques

Eric Berne, le père de l'analyse transactionnelle, a élaboré une théorie sur les jeux psychologiques dans lesquels s'enferment les personnes dans le cadre de leurs interactions. Il a émis l'hypothèse que toute personne peut mettre en place dans sa vie un jeu relationnel, en fonction des situations. Le «jeu» intervient quand une personne tend à structurer certaines de ses relations selon un scénario répétitif qui vise à manipuler autrui de façon inconsciente, l'objectif étant la satisfaction de motivations personnelles. Elle opère «une série de transactions cachées progressant vers un résultat bien défini, prévisible13».
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B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Les changements de rôle

Chacun peut avoir un rôle préféré, mais il est possible, pour une même personne, de changer de position en fonction des situations : une Victime peut devenir Persécutrice en utilisant l'impuissance qu'elle suscite chez son Sauveur pour le persécuter, par exemple. Le Sauveur, irrité par le fait que toutes ses propositions d'aide sont mises en échec par la Victime, peut alors se transformer en Persécuteur à son tour vis-à-vis d'elle, en représailles (figure 3.5).
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Jean-Pierre est infirmier en psychiatrie. Il accueille Mme Lavigne qui souffre d'un syndrome anxiodépressif associé à un alcoolisme chronique. Touché par la souffrance de la patiente qui lui rappelle l'une de ses tantes (mécanisme projectif), il l'aide beaucoup durant ses premiers jours d'hospitalisation, devançant ses désirs pour lui rendre la vie plus facile, ne se préoccupant pas de recueillir ses demandes spécifiques (positionnement de Sauveur). Des demandes, Mme Lavigne n'en a pas. Elle n'est que plainte (positionnement de Victime). Au fur et à mesure du temps qui passe, elle semble aller mieux. Elle parle souvent avec Jean-Pierre, qui lui donne beaucoup de conseils. Elle lui dit qu'il est un très bon infirmier et que, grâce à lui, elle se sent mieux. Jean-Pierre est très content d'entendre cela. Il a l'impression que la patiente l'aime bien et ça lui fait plaisir. Une permission de week-end est posée. Forte de tous les conseils de Jean-Pierre, Mme Lavigne s'en va. À son retour, elle présente une haleine fortement alcoolisée. Elle explique que son week-end s'est très mal passé, qu'elle s'est sentie très mal. Jean-Pierre est à nouveau très présent auprès d'elle. Cependant, après plusieurs week-ends avec alcoolisation, Jean-Pierre commence à ressentir de la colère vis-à-vis de Mme Lavigne (frustration), surtout qu'elle lui dit que finalement son aide n'est pas très efficace (positionnement de Persécutrice de Mme Lavigne, Jean-Pierre devenant alors sa «Victime»). Il se met à parler d'elle de façon critique avec ses collègues. Il a tendance à se détourner d'elle, à éviter de s'en occuper. Et quand il s'occupe d'elle, il ne se montre plus chaleureux. Il lui fait même parfois des remarques subtilement critiques (positionnement de Persécuteur).
Cet exemple illustre bien les changements inconscients de positions de vie effectués par l'infirmier et la patiente, au fur et à mesure des événements et du temps qui passe. L'attitude de Jean-Pierre est non professionnelle. Elle trouve sa source dans les enjeux symboliques non conscients qui se trouvent à l'arrière-plan de la relation de Jean-Pierre avec la patiente. Dans sa relation avec elle, il recherche un gain subjectif de valorisation ainsi qu'un gain affectif (être aimé). Un raisonnement introspectif, dans le cadre éventuel d'une supervision, aurait pu lui permettre de se rendre compte de sa non-distance professionnelle vis-à-vis de la patiente avec qui il est dans une dynamique de contre-transfert (il projette sur elle sa propre histoire, l'assimilant à sa tante), et de réfléchir sur sa position d'aidant. Derrière le positionnement soignant de Sauveur, se cache souvent une recherche profonde de valorisation personnelle. Pour le soignant concerné, il est important de le repérer.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing Dominique s'occupe de Mme Lavigne. À chaque fois que Mme Lavigne se plaint, elle l'aide à changer sa plainte en demande :
Mme Lavigne : «Dominique, j'ai chaud! … Mon Dieu que j'ai chaud…»
Dominique ne se précipite pas vers une action immédiate pour la soulager, lui demandant plutôt : «Que puis-je faire pour vous, pour que vous ayez moins chaud?»
Mme Lavigne répond alors : «Faites ce que vous voulez…»
Dominique : «Ce que je voudrais, moi, si j'étais dans votre situation ne correspond pas forcément à ce dont vous avez besoin, vous. Je vous répète donc ma question : que puis-je faire pour vous, pour que vous ayez moins chaud?»
Mme Lavigne finit par répondre du bout des lèvres, comme s'il lui en coûtait : «Ouvrez-moi donc un peu la fenêtre…»
Cet exemple montre combien il est important de bien réfléchir le soin relationnel afin de se positionner dans une réelle dynamique d'aidant, c'est-à-dire en suscitant une demande chez une personne qui se plaint.
J. Porter a élaboré six types d'attitudes spontanées en situation de face à face. Cinq d'entre elles ne favorisent pas la communication et ont tendance à bloquer la dynamique interne d'auto-élaboration chez la personne.
En fonction de sa personnalité, chaque aidant développe préférentiellement certaines attitudes et il est important pour lui de les repérer et de les éviter, afin qu'elles n'exercent pas d'influence néfaste sur l'aidé.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing Les attitudes qui peuvent entraver une communication aidante

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Avoir une attitude de questionnement inductif ou incisif

L'aidant pose des questions et cherche à en savoir davantage, développant cette attitude de façon préférentielle. Étant donné que toute question implique une hypothèse, l'aidant risque d'orienter l'entretien vers ce qui lui paraît essentiel à lui, et qui ne l'est pas forcément aux yeux de l'aidé. Face à un déluge de questions, la personne perd le fil, elle peut se sentir confuse. Il lui est très difficile de poser ce qui la préoccupe. Elle a tendance à se fermer.
Le questionnement peut être utilisé en relation d'aide; il est alors centré sur la personne que l'on a comprise de façon empathique et est utilisé pour aider la personne à cheminer dans la compréhension d'elle-même.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Avoir une attitude de soutien-consolation

L'attitude de soutien consiste à encourager, consoler, rassurer dès qu'une problématique est exprimée. L'idée est d'essayer de minimiser l'importance du problème : l'aidant compatit mais fait passer le message qu'il ne faut pas dramatiser. Utilisé à bon escient, le soutien peut être aidant, mais si on y a recours de façon systématique, il peut être ressenti par la
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir vient parler à Marie-Danièle, l'infirmière, de ses préoccupations. Son fils devait venir le voir en visite à 15 heures ce jour-là. Il est 15 heures 10 et il n'est toujours pas là.
• Je suis sûr qu'il ne viendra pas. Ça lui pèse de venir ici. Perdre du temps pour voir un vieux comme moi…
Marie-Danièle lui demande aussitôt :
• Quand vous a-t-il dit qu'il venait vous voir?
• Ben il m'a téléphoné la semaine dernière. Il avait l'air triste au téléphone…
Marie-Danièle insiste :
• Vous êtes sûr d'avoir bien compris l'heure?
• Je crois oui.
• Vous croyez ou vous en êtes sûr?
• Ben je crois que je suis sûr…
M. Lenoir ne dit plus rien. Il aimerait bien parler de son inquiétude vis-à-vis de son fils. Mais Marie-Danièle lui pose trop de questions. Il s'en va les épaules basses.
Marie-Danièle est focalisée sur la demande immédiate de M. Lenoir. Par ses questions incisives, elle cherche à en savoir plus pour mieux pouvoir lui répondre et oriente ainsi l'entretien, alors que le besoin du patient est plutôt d'être entendu dans son inquiétude à propos de son fils. Comme cela ne se fait pas, il se ferme et quitte le dialogue.
personne comme un refus de prendre au sérieux le problème dans lequel elle se trouve. En outre, du fait de l'aspect maternant de cette attitude, celle-ci risque d'entraîner une dépendance chez l'aidé.
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B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Avoir une attitude d'interprétation

L'aidant donne des explications sur ce qui vient d'être dit, il donne son interprétation de la situation. Il se place dans une position supérieure à celle de l'aidé («Moi je comprends ce qui se passe en vous mieux que vous») et projette sur lui sa propre manière de comprendre les choses. Cette
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir va voir une autre infirmière, Nicole. Il lui fait la même confidence qu'à Marie-Danièle. Aussitôt Nicole lui dit d'un air bonhomme :
• Mais faut pas vous inquiéter, il va bien finir par arriver, votre fils! (soutien-consolation)
• Mais vous savez, il avait l'air triste quand je lui ai parlé au téléphone la semaine dernière…
• Votre fils va sûrement très bien, vous vous faites du souci pour rien, voyons. Allez donc vous promener un peu au soleil, ça vous changera les idées (soutien-consolation).
Les épaules basses, M. Lenoir s'éloigne.
En cherchant à dédramatiser la situation, Nicole a nié l'inquiétude bien réelle de M. Lenoir qui n'a toujours pas pu parler de ses préoccupations par rapport à son fils.
attitude induit chez l'aidé le sentiment frustrant d'être incompris. Elle peut entraîner des blocages défensifs, voire de l'irritation. Personne n'aime voir ses comportements interprétés par autrui.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Avoir une attitude d'évaluation ou de jugement

L'évaluation implique un jugement de valeur, qu'il soit approbatif ou critique. Celui-ci fait référence à une norme sociale ou à l'échelle des valeurs de l'aidant. À nouveau, celui-ci se place «au-dessus»
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir va voir un nouvel infirmier, Richard. Dès qu'il lui a expliqué son problème, l'infirmier lui dit aussitôt :
• Vous vous inquiétez parce que vous êtes un bileux de nature, je l'ai tout de suite vu! (interprétation)
• Je ne suis pas du genre inquiet d'habitude. Mais la dernière fois que je l'ai eu au téléphone, il avait l'air triste…
• Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il était triste? Si ça se trouve, c'est vous qui broyez du noir. Votre fils n'a peut-être pas envie de vous entendre récriminer (interprétation).
M. Lenoir sent la moutarde lui monter au nez et il préfère arrêter l'échange.
Les interprétations de Richard énervent M. Lenoir qui se sent totalement incompris par lui.
de l'aidé, en tant que censeur moral sachant ce qui est bien ou mal. Ce type de réponse crée des blocages, des réactions d'agressivité et/ou de dissimulation.

B9782294713965000036/icon04-9782294713965.jpg is missing Chercher à donner une solution à tout prix

L'aidant est dans la recherche de solution immédiate. Il réagit par l'action et en poussant l'aidé à
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir croise alors Rachel, une autre infirmière. Il lui redit la même chose qu'aux autres et cette fois Rachel lui répond :
• Vous n'avez pas fait ce qu'il fallait (jugement). Vous auriez dû rappeler votre fils hier pour avoir confirmation.
• Mais on ne fait pas comme ça d'habitude et il vient toujours. Sa voix était triste quand il me parlait, je m'en rends compte maintenant.
• Vous avez sûrement mal compris ce qu'il vous a dit (jugement). Il fallait lui redemander confirmation.
M. Lenoir hoche la tête et quitte l'infirmière sans répondre.
L'attitude interprétative de Rachel bloque l'échange qu'elle a avec M. Lenoir.
l'action. Il manque de patience pour aider la personne à aller vers sa propre solution et il lui suggère la solution qu'il choisirait lui-même, lui donne des conseils. Cette attitude donne à l'aidé l'impression que l'aidant cherche à se débarrasser de lui et de son problème. Il finit par se fermer et par ne plus chercher de l'aide auprès de cet aidé. Par ailleurs, chez certaines personnes à personnalité très dépendante, cette attitude risque de développer une plus grande dépendance encore.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir aborde Nathalie, une autre infirmière, pour lui parler de son problème. Elle lui répond aussitôt :
• Téléphonez tout de suite à votre fils! Comme ça vous serez fixé.
Elle conduit M. Lenoir dans le bureau infirmier pour lui passer la communication. Le téléphone sonne dans le vide.
• Si ça se trouve, il est en route, dit aussitôt Nathalie.
• Ou alors il est resté au fond de son lit, déprimé. Parce que, vous savez, il avait la voix triste la dernière fois que je l'ai eu au bout du fil.
• Vous devriez appeler quelqu'un d'autre de votre famille pour en savoir plus.
• À cette heure-ci, ils sont tous au travail…
• Eh bien réessayez d'appeler votre fils dans 10 minutes. Vous verrez bien s'il répond.
• D'accord, répond M. Lenoir en s'éloignant, l'air peu convaincu.
La solution immédiate de Nathalie ne répond pas au besoin réel de M. Lenoir : celui d'être entendu dans son inquiétude.
Bien entendu, il n'est pas question de proscrire totalement ces attitudes au cours d'un entretien, car elles peuvent être précieuses et avoir ponctuellement une utilité. Simplement, on y a recours dans un but précis, de façon réfléchie.

B9782294713965000036/icon03-9782294713965.jpg is missing L'attitude qui favorise une communication aidante : la reformulation

Par la reformulation, l'aidant essaie de saisir le problème tel qu'il est vécu par l'aidé. Il prouve qu'il l'écoute sans préjugé, manifestant un réel intérêt à le comprendre. C'est l'attitude qui doit être privilégiée dans une relation aidante.
B9782294713965000036/icon05-9782294713965.jpg is missing M. Lenoir se rend cette fois chez Nicolas, un infirmier qu'il aime bien. Nicolas l'écoute attentivement puis il lui dit :
• Vous avez l'air vraiment inquiet pour votre fils (reformulation sur le ressenti).
• Oui, dit M. Lenoir en soupirant. Il avait la voix triste la dernière fois que je l'ai entendu au téléphone. Il a déjà fait une dépression, vous comprenez. Je m'en veux beaucoup de ne pas être là pour lui en ce moment. Il ne supporte pas quand je suis hospitalisé.
• Vous vous sentez coupable… (reformulation sur le ressenti)
• Oui. C'est dur pour lui de devoir venir me voir ici. Il a toujours du retard, comme s'il repoussait l'échéance.
Nicolas prend du temps pour écouter M. Lenoir qui se détend peu à peu. Cela lui fait du bien d'être enfin vraiment entendu. Son fils finit par arriver. Il a effectivement l'air abattu. Après la visite, Nicolas prendra un petit temps pour discuter avec lui puis lui conseillera de voir un médecin pour avoir du soutien.
Nicolas s'est immédiatement centré sur l'état émotionnel de M. Lenoir. Par ses reformulations adaptées, il l'a aidé à poser ce qui le préoccupe, occasionnant chez lui le soulagement de sa tension interne.
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Points clés à retenir
▸ Certaines attitudes peuvent entraver la communication aidante. Il s'agit d'attitudes spontanées qui surgissent en position de face à face. Ce sont :
– l'attitude de questionnement inductif ou incisif;
– l'attitude de soutien-consolation;
– l'attitude d'interprétation;
– l'attitude de jugement;
– l'attitude visant à donner une solution à tout prix.
▸ Ces attitudes ne sont à utiliser que mûrement réfléchies et on y a recours dans un but précis.
▸ L'attitude aidante par excellence est la reformulation.
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S'entraîner

Vérifier ses connaissances

QROC (questions à réponses ouvertes courtes)

1. Quelles sont les distances interpersonnelles définies par la proxémie?
2. Quelles sont les trois composantes du soi d'une personne?
3. Complétez le schéma du processus circulaire d'estime de soi positive (approbation)
4. Complétez le schéma du processus circulaire d'estime de soi négative (désapprobation)
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Corrigés

5. Questionnaire inspiré de Porter.
Que répondriez-vous à ce type d'affirmation? Entourez la réponse choisie puis rendez-vous à la partie «Corrigés» pour découvrir à quel type d'attitude elle correspond. Plus qu'une vérification de connaissances, ce test permet de découvrir quel type de réponse nous donnons préférentiellement. C'est la connaissance de nos mécanismes qui nous permet d'être plus juste dans nos échanges soignant–soigné.
A. «Moi, je pense que vous ne pouvez pas comprendre mon problème. Vous êtes heureuse dans votre vie, vous. Vous avez un travail, une famille qui vous aime. Alors que moi, je suis tout seul, au chômage…»
– Réponse 1 : C'est insensé de déclarer cela. Vous n'avez même pas encore essayé de me parler.
– Réponse 2 : Il suffit que vous vous décidiez à vous mettre à rechercher tout cela. En fait, il faut vous y tenir et avoir un peu de volonté.
– Réponse 3 : Vous pensez vraiment que je ne peux pas vous comprendre.
– Réponse 4 : Qu'est-ce que vous avez déjà fait comme démarche pour vous en sortir?
– Réponse 5 : Vous finirez par y arriver, vous verrez.
– Réponse 6 : Alors vous pensez que je ne suis pas capable de vous écouter.
B. «Il faut vraiment que je maigrisse. Mon surpoids me désespère. Mais je n'arrive pas à me tenir à un régime.»
– Réponse 1 : Qu'est-ce que vous faites comme type de régime?
– Réponse 2 : Ce n'est pourtant pas difficile de suivre un régime. Vous manquez de volonté, c'est tout.
– Réponse 3 : Vous exagérez sûrement. Vous verrez, vous finirez par y arriver.
– Réponse 4 : Pour maigrir, il suffit de le décider, un point c'est tout. C'est simple en fait.
– Réponse 5 : Vous n'arrivez pas à maigrir parce que vous n'en avez pas vraiment envie, en fait.
– Réponse 6 : Vous n'arrivez pas à maigrir et cela vous rend malheureuse.
C. «En prévision de mon hospitalisation durant ces 2 jours, j'ai préparé d'avance les repas pour les enfants. Ils n'avaient qu'à les mettre au micro-ondes et le tour était joué. Et bien figurez-vous que mon mari, au lieu de cuisiner pour eux durant le week-end, a tout utilisé. Il n'y a plus rien au frigidaire! Qu'est-ce qu'ils vont manger? Comment vont-ils se débrouiller? …»
– Réponse 1 : Ne vous inquiétez donc pas, s'ils ont faim, ils sauront bien se débrouiller pour manger quelque chose.
– Réponse 2 : Vous vous demandez comment ils vont faire et cela vous inquiète.
– Réponse 3 : Téléphonez-leur maintenant. Comme ça vous saurez comment ça se passe.
– Réponse 4 : Quel âge ont-ils? Est-ce qu'ils sont seuls au repas de midi?
– Réponse 5 : Ça ne va pas de laisser des enfants sans rien à manger de correct, vous savez.
– Réponse 6 : Vous êtes beaucoup trop mère poule et vous en voulez à votre mari.
D. «Je recherche un travail en ce moment. J'ai deux entretiens d'embauche à passer et ça me stresse. Je me demande si je suis encore à la page. Pour un peu, j'éviterais d'y aller…»
– Réponse 1 : Vous vous rendez compte que vous avez de la chance de pouvoir passer un entretien d'embauche, alors que beaucoup n'y accèdent même pas? Bougez-vous donc!
– Réponse 2 : Ces entretiens, c'est pour quel type de travail exactement?
– Réponse 3 : En fait, vous voulez dire que vous avez besoin de suivre une formation pour vous remettre à la page.
– Réponse 4 : Vous avez plein de qualités. Ils s'en rendront compte vous verrez. Vous allez trouver un travail.
– Réponse 5 : Procurez-vous un livre sur la préparation à l'entretien d'embauche et entraînez-vous. C'est le meilleur moyen de réussir.

Corrigés

Vérifier Ses Connaissances

QROC (questions à réponses ouvertes courtes)

1. La proxémie correspond à la distance physique qui s'établit entre les personnes durant leurs interactions. Elle définit quatre grands types de distance :
– la distance intime (de 15 à 45 cm);
– la distance personnelle (de 45 cm à 1,20 mètre);
– la distance sociale (de 1,20 à 3,50 mètres);
– la distance publique : plus de 3,50 mètres.
2. Le soi d'une personne a trois composantes :
– une composante cognitive qui correspond à l'ensemble des idées qu'une personne a sur elle-même (les schémas cognitifs) et qui correspond à la connaissance de soi;
– une composante affective qui correspond aux sentiments positifs et négatifs qui accompagnent les idées que la personne a sur elle-même. Cette composante affective aboutit à un certain degré d'estime de soi;
– une composante comportementale qui correspond à l'aspect de soi que la personne présente aux autres, cette composante étant en lien avec les deux premières.
3. Schéma du processus circulaire d'estime de soi positive : voir schéma page 44
4. Schéma du processus circulaire d'estime de soi négative : voir schéma page 45
Question A
– Réponse 1 : Évaluation
– Réponse 2 : Solution
– Réponse 3 : Reformulation
– Réponse 4 : Questionnement
– Réponse 5 : Soutien-consolation
– Réponse 6 : Interprétation
Question B
– Réponse 1 : Questionnement
– Réponse 2 : Évaluation
– Réponse 3 : Soutien-consolation
– Réponse 4 : Solution
– Réponse 5 : Interprétation
– Réponse 6 : Reformulation
Question C
– Réponse 1 : Soutien-consolation
– Réponse 2 : Reformulation
– Réponse 3 : Solution
– Réponse 4 : Questionnement
– Réponse 5 : Évaluation
– Réponse 6 : Interprétation
Question D
– Réponse 1 : Évaluation
– Réponse 2 : Questionnement
– Réponse 3 : Interprétation
– Réponse 4 : Soutien-consolation
– Réponse 5 : Solution
– Réponse 6 : Reformulation