Fiche 22: Prendre en charge un patient présentant une intoxication médicamenteuse

1. Prise en charge thérapeutique

Mise en condition

Assurer le monitorage des paramètres vitaux (fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, pression artérielle, SpO2 et diurèse).
Assurer la réalisation du bilan initial (examens biologiques, EEG, autres suivants prescription).

Conduite infirmière

En cas de coma d’étiologie non connue, trois traitements peuvent être indiqués en urgence aussi bien à titre thérapeutique que diagnostiques sur prescription médicale :
  • l’injection intraveineuse de 1 à 2 mg de flumazénil permet de confirmer une intoxication par benzodiazépine en cas de réveil du patient (cela rend aussi possible l’interrogatoire), de suspecter une intoxication mixte comportant des benzodiazépines si le réveil est incomplet ou d’éliminer une intoxication par benzodiazépines si aucun effet n’est observé ;
  • l’injection de naloxone, 0,4 mg, permet de réverser les symptômes et de confirmer une intoxication par opiacés ;
  • l’injection de soluté glucosé en cas d’hypoglycémie à condition que celle-ci n’ait pas entraîné de lésions cérébrales du fait de sa durée.
image On ne sait pas ce que M. Alban a pris ; a priori, d’après son frère, il est traité pour dépression par paroxétine (inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine) ; il est difficile dans ce cas de préconiser un antidote, le mieux étant de pouvoir établir ici avec le patient la nature de la consommation... La seule indication étant qu’il est sous antidépresseur, qu’il a consommé de l’alcool et qu’il pourrait avoir aussi absorbé des opiacés puisqu’il en consomme régulièrement.

2. Principes généraux du traitement

Traitement symptomatique

Le traitement symptomatique vise à corriger les défaillances vitales, respiratoires et circulatoires.
Il permet de traiter des convulsions, l’hyperthermie sévère, les troubles du rythme ou de la conduction.

Traitement antidotique

Il est fonction de l’intoxication (tableau 22.1).

Tableau 22.1

Antidotes.
DCI et nom commercial Posologie

Naloxone (Narcan®)

Indications : il est utilisé en cas de surdosage, d’intoxication aux morphiniques et pour faire une épreuve diagnostique différentielle dans certains comas toxiques

Précautions d’emploi : la naloxone a une durée d’action plus courte que celle des morphinomimétiques, d’où la nécessité d’une surveillance clinique, car une remorphinisation peut apparaître en cas de bolus unique avec un risque d’apnée secondaire

À l’inverse, l’utilisation d’un bolus trop important expose à un syndrome de sevrage aigu avec agitation

Surveillance infirmière :

  • surveiller la fréquence respiratoire et l’hémodynamique et le diamètre pupillaire du patient
  • risque de dépression respiratoire en cas de sous-dosage (possible relais en seringue électrique)
  • détecter un syndrome de sevrage pouvant survenir chez les sujets en état de dépendance aux opiacés
L’administration sera progressive, de 0,1 mg (1 amp. diluée dans 4 mL de sérum glucosé ou physiologique = 0,1 mg dans 1 mL) jusqu’à obtention d’une ventilation suffisante (FR > 14 c/min). Après la dose initiale qui peut être de 0,4 à 2 mg (1 à 5 amp.) de naloxone, un traitement d’entretien est nécessaire par perfusion continue ou par réinjection de la dose initiale (toutes les 3 min)

Flumazénil (Anexate®)

Indications : il est utilisé en cas de surdosage, d’intoxication aux benzodiazépines

Précautions d’emploi : il peut entraîner des nausées, des vomissements. Possible anxiété et palpitations si l’injection est trop rapide. Syndrome de sevrage chez les patients traités chroniquement par benzodiazépines

Surveillance infirmière :

  • surveiller la FR et l’hémodynamique du patient et la conscience
  • risque de dépression respiratoire en cas de sous-dosage
  • détecter un syndrome de sevrage
Il se présente en amp. de 0,5 ou 1 mg. Chez l’adulte, il est utilisé par bolus d’1 mg jusqu’à la levée de la dépression respiratoire ou l’apparition du réveil. En l’absence d’effet après 3 mg, il faut rechercher une intoxication polymédicamenteuse. L’entretien se fait à la posologie de 0,1 à 0,4 mg/h avec une dose maximale de 0,8 mg/h

N-acétylcystéine (Fluimucil acétylcystéine®, Mucomyst®)

Indications : intoxication au paracétamol. Troubles de la sécrétion bronchique (effets mucolytiques)

Précautions d’emploi :

  • la voie IV est choisie en cas de trouble de la conscience, de symptômes digestifs ou de prescription initiale de charbon activé
  • l’administration de la dose de charge sur 60 min au lieu des 30 min diminue le risque d’effets secondaires, à type de rash urticarien ou de bronchospasme. En cas d’intoxication massive, il faudra poursuivre l’administration à la dose journalière de 300 mg/kg en perfusion continue jusqu’à la disparition du paracétamol dans le plasma

Surveillance infirmière :

  • dosage de la paracétamolémie
  • surveiller l’apparition d’un rash cutanée possible (urticaire) et d’un bronchospasme

Per os : dose de charge de 140 mg/kg suivie d’une dose d’entretien de 70 mg/kg toutes les 4 h et jusqu’à un total de 17 doses, soit au total 1 330 mg/kg en 72 h

Par voie IV : dose de charge 150 mg/kg diluée dans 500 mL de sérum glucosé à 5 % en 60 min, suivie d’une dose de 50 mg/kg (même dilution) en 4 h puis d’une dose de 100 mg/kg (même dilution) en 16 h

DCI : dénomination commune internationale ; FR : fréquence respiratoire ; IV :intraveineuse (injection).

Source : création de David Naudin et Sébastien Kerever.

Traitement évacuateur et épurateur

Deux méthodes sont proposées : le charbon activé par voie orale et l’épuration extrarénale.

Charbon activé par voie orale (dose unique)

Le charbon activé est capable d’absorber une grande variété de médicaments et de substances toxiques (substances carboadsorbables).
L’administration de charbon (50 g) peut être envisagée en cas d’ingestion récente (moins d’une heure) de quantités toxiques d’une substance carboadsorbable ; certaines équipes préconisent l’administration jusqu’à 2 heures après l’ingestion.

Épuration extrarénale

Elle concerne que peu de toxiques : molécule hydrosoluble, avec un volume de distribution faible et une liaison aux protéines plasmatiques faible, expliquant que l’usage de ces techniques reste rare (par exemple, pour le lithium, l’intoxication salicylée grave, etc.).
Depuis les années 1990, le lavage gastrique n’est plus la méthode de référence pour la décontamination digestive lors des intoxications secondaires à une ingestion.
image On ne sait pas ce que M. Alban a pris, a priori, d’après son frère, il est traité pour dépression par paroxétine (inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine). Ce type d’intoxication est généralement peu symptomatique, même pour des doses importantes : troubles digestifs, somnolence, céphalées, tachycardie sinusale et/ou hypertension diastolique. Toutes ces manifestations évoluent favorablement en 24 heures.