Accouchement dystocique

P. Gaucherand

Objectifs

La dystocie, étymologiquement « accouchement difficile », se définit comme une anomalie de la progression du travail dont les étiologies sont multiples et dont la conséquence est une durée du travail excessive, avec risque d'asphyxie fœtale, d'extraction instrumentale et/ou de césarienne.

La dystocie, l'indication la plus fréquente de césarienne pendant le travail

Dix à 15 % des parturientes avec une présentation céphalique à terme auraient une anomalie dans la progression du travail. Dans 75 à 80 % des cas, l'accouchement se termine par les voies naturelles mais, dans 20 à 25 % des cas, une césarienne est nécessaire [3]. C'est ainsi que la dystocie représente l'indication la plus fréquente de césarienne pendant le travail, l'asphyxie fœtale ne venant qu'en seconde position. Aux États-Unis, 34 % des césariennes au cours du travail sont faites pour dystocie et 23 % pour des anomalies du RCF [5].

Il existe des traitements obstétricaux de la dystocie et la césarienne n'est justifiée que lorsque ces traitements sont tenus en échec ou risquent d'entraîner une asphyxie fœtale.

L'accouchement dystocique a plusieurs étiologies : la disproportion fœtopelvienne, les anomalies de l'activité utérine et, plus accessoirement, les anomalies cervicales et des parties molles. Dans la pratique, la dystocie se présente de deux façons différentes :

 le pronostic obstétrical est initialement favorable mais, au cours du travail, la dilatation et/ou la progression de la présentation sont anormales ;

 le pronostic obstétrical est incertain car :

 un rétrécissement pelvien a été diagnostiqué lors du dernier examen prénatal ;

 le bassin est normal mais l'enfant est gros ;

 l'accouchement précédent a été difficile, avec extractions instrumentales ou difficulté aux épaules ;

 l'accouchement par les voies naturelles semble possible mais incertain et il faut réaliser une épreuve du travail.

La lecture du partogramme prend toute sa valeur pour prendre une décision dans l'un ou l'autre cas.

Le travail normal

Nous avons vu, lors de la surveillance clinique du travail (voir chapitre 3, p. 39), les normes du travail normal définies par les travaux de Friedman [9]. Le travail est défini par deux phases, une de latence pendant laquelle le col se raccourcit, s'efface puis se dilate jusqu'à 2–3 cm, puis une phase active au cours de laquelle le col va se dilater.

Les travaux de Friedman [9] dans les années 1950 ont été actualisés récemment par Zhang [21, 23] et ont permis de décrire de façon précise le travail chez la nullipare et chez la multipare) (figure 13.1) (tableau 13.1). Le travail est défini par deux phases :

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Fig. 13.1 Comparaison des courbes de dilatation cervicale chez la nullipare selon Friedman et Zhang [19].

Tableau 13.1

Courbe de dilatation cervicale chez la nullipare et la multipare [9].

Phase du travailDurée
PrimipareMultipare
Phase de latence9 h5 h 32
Phase active :

 pente moyenne

 pente maximale

5 h ± 3 h
1,2 cm/h
3 cm/h
2 h 30 ± 1 h 30
1,5 cm/h
5,7 cm/h
Phase de décélérationDurée maximale de 1 h 58 quelle que soit la parité

t0010

 la première phase s'étend du début du travail jusqu'à dilatation complète ;

 la deuxième phase correspond à la période allant de la dilatation complète à la naissance de l'enfant.

La première phase du travail allant jusqu'à la dilatation complète se scinde elle-même en deux parties : une phase de latence pendant laquelle le col se raccourcit, s'efface et se dilate modérément jusqu'aux alentours de 2 à 3 cm. Cette phase de latence peut durer jusqu'à 20 heures chez la nullipare et 14 heures chez la multipare. Lui succède une phase active, elle-même divisée en trois parties :

 une phase d'accélération jusqu'à 5 cm ;

 puis une phase de pente maximale jusqu'à 9 cm ;

 puis une phase de décélération jusqu'à la dilatation complète.

La durée de dilatation du col chez une nullipare en travail spontané a été analysée. Le tableau 13.2 en rapporte les durées moyennes.

Tableau 13.2

Durée des différentes phases du travail (d'après l'étude de 10 293 dossiers) [9].

Dilatation cervicale (cm)Parité 0
Durée moyenne en heure
(95e percentile)
n = 25624
Parité 1
Durée moyenne en heures
(95e percentile)
n = 16 755
Parité 2 +
Durée moyenne en heures
(95e percentile)
n = 16219
3-41,8 (8,1)
4-51,3 (6,4)1,4 (7,3)1,4 (7,0)
5-60,8 (3,2)0,8 (3,4)0,8 (3,4)
6-70,6 (2,2)0,5 (1,9)0,5 (1,8)
7-80,5 (1,6)0,4 (1,3)0,4 (1,2)
8-90,5 (1,4)0,3 (1,0)0,3 (0,9)
9-100,5 (1,8)0,3 (0,9)0,3 (0,8)
2e stade avec péridurale1,1 (3,6)0,4 (2,0)0,3 (1,6)
2e stade sans péridurale0,6 (2,8)0,2 (1,3)0,1 (1,1)

t0015

Ainsi, une dilatation normale de 1 cm durera entre 1,3 et 1,8 heure de 3 à 5 cm, et moins d'une heure entre 5 cm et dilatation complète.

La première phase du travail dure donc :

 sans péridurale de 8,4 à 16,6 heures ;

 avec péridurale de 10,2 à 19 heures.

La deuxième phase du travail, entre la dilatation complète et la naissance, se subdivise là encore en deux phases : une phase passive et une phase active correspondant aux efforts expulsifs.

Cette deuxième phase du travail dure :

 sans péridurale de 54 à 132 minutes ;

 avec péridurale de 79 à 185 minutes.

Les études de Zhang montrent que, en tenant compte du 95e percentile, la dilatation est plus lente que ne le disait Friedmann et est située :

 chez la nullipare entre 0,5 et 0,7 cm/h ;

 chez la multipare entre 0,5 et 1,3 cm/h.

Entre 4 et 6 cm, la nullipare et la multipare se dilatent à la même vitesse. Après 6 cm, les multipares se dilatent plus rapidement. De ce fait, un travail prolongé avec une phase de latence supérieure à 20 heures chez la multipare et 14 heures chez la multipare ne serait pas en soi une indication de césarienne [5].

Il faut bien avoir ces données à l'esprit avant de parler de dystocie. Celles-ci sont cependant fortement discutées car elles n'apportent pas la démonstration du fait que le prolongement de la durée du travail de plus de deux heures soit sans danger. On ne doit pas interpréter une courbe en dehors de son contexte et, pendant le travail, de nombreux paramètres jouent : la flexion de la tête, sa rotation, l'asynclitisme, le modelage [7, 13].

Causes des dystocies

Toute anomalie du travail impose une recherche étiologique précise. Il peut s'agir d'une anomalie du bassin (de plus en plus rare actuellement), d'un gros enfant, d'une anomalie des contractions utérines ou de la dilatation du col.

Disproportions fœtopelviennes

Anomalies du bassin

Ces anomalies du bassin peuvent être connues :

 avant l'entrée en travail ; une radio aura été réalisée avant l'accouchement ;

 en cours de grossesse ou elle peut être suspectée en fin de grossesse ;

 en début de travail.

L'examen clinique de fin de grossesse ou à l'entrée en salle de naissance est essentiel. On tiendra compte :

 de la taille maternelle si elle est inférieure à 1,50 mètre ;

 de la hauteur utérine qui peut être trop élevée si le fœtus est « posé » sur le détroit supérieur en raison d'un bassin anormal ;

 du résultat du palper introducteur ;

 du résultat du toucher vaginal avec recherche du promontoire ou suivi de la ligne innominée (voir chapitre 2, p. 27) ;

 du débord symphysaire du mobile fœtal.

Les pelvimétries ou pelviscanner sont de plus en plus rarement demandées en raison :

 de la rareté des rétrécissements pelviens importants dans nos pays occidentaux, en dehors des fractures du bassin ;

 de la pertinence de l'examen clinique lors de la consultation du neuvième mois de la grossesse ;

 de l'absence d'utilité démontrée de la connaissance des mesures du bassin dans la conduite du travail ;

 du risque lié à l'irradiation du fœtus.

On réserve l'indication du pelviscanner aux anomalies cliniques du bassin, aux accouchements par le siège et aux accouchements avec utérus cicatriciel.

Il importe de connaître les dimentions des principaux diamètres radiologiques normaux :

 le diamètre promonto-rétro-pubien supérieur ou égal à 10 ,5 cm ;

 le diamètre transverse médian supérieur ou égal à 12,5 cm ;

 le diamètre bisciatique supérieur ou égal à 10 cm.

Lorsque l'indice du détroit supérieur (encore appelé indice de Magnin), qui correspond à la somme du diamètre promonto-rétro-pubien et du diamètre transverse médian, est inférieur à 20 cm, le bassin est qualifié de chirurgical. Seule cette situation pelvimétrique doit conduire à la pratique d'une césarienne prophylactique. Dans tous les autres cas, l'épreuve du travail doit être tentée.

Poids de l'enfant

On peut avoir un petit bassin et accoucher par voie basse d'un enfant de petit poids sans difficulté. À l'inverse, l'accouchement peut se révéler dystocique bien que le bassin soit normal car l'enfant est gros et pèse plus de 4 kg. La biométrie échographique près du terme permet d'apprécier le poids fœtal même si elle doit être interprétée avec prudence compte tenu de son imprécision. La constatation d'un diamètre bipariétal supérieur à 100 mm, d'une circonférence abdominale supérieure à 380 mm ou d'une longueur du fémur supérieur à 77 mm fait suspecter une macrosomie. La valeur prédictive de l'échographie est toutefois médiocre pour l'évaluation du poids fœtal que l'on apprécie qu'à 15 % près en plus ou en moins, dans 50 à 70 % des cas, quelles que soient les formules mathématiques proposées (voir chapitre 15, p. 191)

Anomalies de présentation

Nous avons vu dans les chapitres 4 et 8 qu'une présentaion mal fléchie antérieure ou postérieure (bregma, front, face) peuvent entraîner des dystocies et des difficultées pour l'accouchement par voie basse d'un fœtus de poids normal chez une maman dont le bassin est normal. Le modelage physiologique de la tête fœtale (figure 13.2) combine ses effets à l'asynclitisme pour permettre l'accouchement. Toutefois, si un décalage de quelques millimètres des os du crâne fœtal est acceptable, la constatation d'un chevauchement est une indication formelle d'arrêt de l'épreuve du travail.

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Fig. 13.2 Modelage du crâne fœtal en présentation transverse dans un bassin aplati.

Il faudra donc tenir compte du type de présentation et s'aider éventuellement de l'échographie en salle de naissance pour la préciser.

Anomalies de la dynamique utérine

Comment les reconnaître ?

En dehors des situations très caractéristiques (hypercinésies et hypocinésies de fréquence, hypertonie), les anomalies de la dynamique ne sont pas faciles à reconnaître cliniquement.

Les informations données par la tocographie externe sont le plus souvent insuffisantes car elles ne permettent que de définir la durée et la périodicité des contractions, mais ne permettent pas de quantifier leur intensité. La tocographie interne peut être utile si l'entregistrement externe est difficile, en particulier chez les obèses ou en cas d'utérus cicatriciel.

La tocographie évalue la durée des contractions, l'intensité, le tonus de base (tableau 13.3).

Tableau 13.3

Paramètres des contractions utérines normales [18].

ParamètresDilatation du col
(4–6 cm)
Dilatation du col
(6–8 cm)
Alarme
Tonus de base6 ± 4 mmHg8 ± 5 mmHg> 20 mmHg
Intensité de la contraction42 ± 12 mmHg47 ± 16 mmHg> 70 mmHg
Fréquence des contractions pendant 10 min3,8 ± 1,54,0 ± 1,6> 7
Durée des contractions86 ± 22 s86 ± 19 s> 120 s

t0020

L'activité utérine est exprimée en unités Montevideo (voir Chapitre 3, « Surveillance électronique »). Des intégrateurs expérimentaux calculent sur 15 minutes la surface des contractions exprimées en kPa/15 min et permettent de constater que l'activité utérine au cours de l'accouchement normal est caractérisée par une ascension rapide, suivie d'un plateau qui reste stable jusqu'à la période d'expulsion. Le niveau de l'activité utérine est très variable d'une parturiente à l'autre, allant de 750 à 1 300 kPa/15 min.

Ces variations nécessaires pour obtenir une dilatation du col ne font qu'exprimer les variations individuelles dans les rapports céphalopelviens et les résistances des parties molles (en particulier du col). Il est donc important, chez une parturiente présentant une anomalie de la dilatation, d'éliminer une disproportion fœtopelvienne, une présentation anormale, puis de rechercher une « dystocie dynamique ».

Anomalies par défaut ou hypocinésies

Ce sont les plus fréquentes, responsables de 30 % des anomalies de la dilatation. Les contractions sont rares, moins de trois contractions par période de dix minutes, de durée brève (inférieure à 70 s) et d'intensité faible (inférieure à 30 mmHg). L'anomalie peut porter sur les trois paramètres ou un seul : hypocinésie de fréquence, de durée, d'intensité, comme le montre la tocographie.

Les hypocinésies sont fréquentes chez les grandes multipares ou en cas de distension utérine par un hydramnios ou une grossesse gémellaire. Un traitement ocytocique, dont les modalités sont précisées plus loin, corrige habituellement ces anomalies.

Anomalies par excès ou hypercinésies

Diagnostic

Elles se définissent comme des contractions utérines trop rapprochées, toutes les 90 secondes (hypercinésies de fréquence), ou trop intenses, supérieures à 70 mmHg (hypercinésies d'intensité) ou avec un tonus de base trop élevé (supérieur à 15 mmHg). La contraction peut également se prolonger anormalement, ce qui réalise une hypertonie utérine.

Causes

Ces hypercinésies peuvent être primitives ; le plus souvent, elles sont secondaires à :

 une disproportion fœtopelvienne ;

 une perfusion ocytocique mal dirigée ;

 un hématome rétroplacentaire ;

 une infection chorioamniotique.

Dystocies cervicales fonctionnelles

Elles sont de beaucoup les plus rares. Elles sont sous la dépendance des anomalies contractiles, soit par hypocinésie, soit par arythmie contractile (succession de contractions utérines irrégulières dans leur amplitude, leur durée, leur fréquence), soit enfin par inefficacité. Dans ce dernier cas, le diagnostic ne devrait être retenu qu'après avoir éliminé une disproportion fœtopelvienne, une présentation anormale ou mal fléchie.

Le diagnostic est porté sur la stagnation de la dilatation entre 4 et 7 cm, le col épais s'œdématie d'abord au niveau de la lèvre antérieure, puis sur toute sa circonférence, il devient dur lors des contractions.

Anomalies des parties molles

Dystocies des parties molles

Elles sont rares et devraient être anticipées avant la mise en travail de la femme lors du suivi de la grossesse.

Il peut s'agir :

 d'une cloison longitudinale du vagin le plus souvent incomplète qu'il faut sectionner avant la phase d'expulsion, l'hémostase des tranches de section étant faite après l'accouchement ;

 d'un diaphragme vaginal : s'il est mince, on pourra faire des incisions radiaires ; s'il est épais, l'accouchement par voie basse ne peut avoir lieu et il faut faire une césarienne ;

 d'une mutilation génitale féminine type infibulation découverte en salle de naissance chez une femme non suivie. La désinfibulation peut être faite en début de travail sous anesthésie locale ou sous péridurale. Il suffit de sectionner la bandelette médiane antérieure pour permettre l'accès au vagin et au col pour la surveillance et permettre l'accouchement par voie basse [4].

 les dystocies cervicales secondaires à une électrocoagulation, à un cerclage, ou à une conisation sont rares (6 à 11 %).

Obstacles praevia

Ils doivent normalement avoir été reconnus et traités avant la grossesse, voire au cours de celle-ci.

Les fibromes ne constituent que rarement un obstacle praevia, car ils ascensionnent et se ramollissent en cours de grossesse.

Les tumeurs de l'ovaire sont en général opérées au deuxième trimestre. Elles peuvent avoir un développement abdominal. Elles n'imposent la césarienne que lorsqu'elles sont prolabées dans le cul-de-sac de Douglas.

Causes iatrogènes

Déclenchement du travail

Actuellement, en France, un enfant sur cinq naît après un déclenchement du travail. Ce chiffre est en très nette augmentation depuis 2003, passant de 19,7 à 22,7 % en 2010 [3].

Cette augmentation de la fréquence du déclenchement s'accompagne également d'une augmentation du taux de césarienne liée à l'échec du déclenchement aux alentours de 15 à 16 %.

Cette même augmentation est retrouvée dans la littérature internationale, en particulier en Amérique du Nord lorsque l'induction du travail est pratiquée chez une nullipare dont le col n'est pas favorable. Dans ce cas, le taux de césarienne en cours de travail est double par rapport au travail spontané [17].

Il importe donc, au sein de chaque équipe, face à toute décision d'induction du travail, de réfléchir à la balance bénéfice/risque autant pour la mère que pour l'enfant. Les indications de déclenchement doivent être précises et discutées au cas par cas. En effet, nous ne sommes plus dans la situation d'une dystocie liée à des conditions obstétricales de la mère ou de l'enfant, mais une dystocie liée à l'intervention médicale, et donc iatrogène.

Dans la conduite du travail induit, il est essentiel de retenir que l'objectif ultime est l'accouchement par voie vaginale. Un col non favorable peut faire récuser l'indication du déclenchement.

Il faut donc réserver le déclenchement avec maturation du col aux patientes présentant une pathologie maternelle ou fœtale, ou maternofœtale. En revanche, en dehors de toute pathologie, le déclenchement doit être réservé aux conditions cervicales favorables.

La première mesure préventive à prendre pour limiter le taux d'accouchement dystocique est d'avoir une politique de déclenchement de l'accouchement restreinte aux indications médicales vraies.

L'échec du déclenchement sera reconnu avant 5-6 cm, sur l'absence de changement de l'état cervical ou devant l'impossibilité d'obtenir une activité utérine régulière malgré le recours de plusieurs heures à l'ocytocine, les membranes étant rompues si leur accès est possible.

L'anesthésie péridurale favorise-t-elle les dystocies ?

Un certain nombre de faits sont actuellement bien démontrés concernant la péridurale [12] :

 elle n'augmente pas la durée de la première phase du travail ;

 elle augmente la durée de la deuxième phase du travail ;

 elle augmente le taux d'extraction instrumentale ;

 elle n'augmente pas le taux de césarienne [10] ;

 il faut tenir compte des durées du travail plus longues sous péridurales avant de prendre une décision.

Les équipes obstétricales peuvent-elles favoriser les dystocies ?

L'expérience des équipes obstétricales a été analysée dans l'origine de certaines dystocies. Des études récentes corroborent le fait que l'expérience des professionnels de l'obstétrique en charge de la salle de naissance va de pair avec une diminution des complications maternelles obstétricales, en particulier sur le taux de dystocie et de césarienne. Enfin, élément troublant mais révélateur d'une certaine iatrogénie des équipes, le taux d'anomalie de déroulement du travail est au plus bas lors des pics d'activité en salle de naissance. N'oublions pas la régle hippocratique « d'abord ne pas nuire ».

Diagnostic de dystocie

Avant le travail

Consultation du neuvième mois ou examen à l'entrée en salle de naissance

Elle doit permettre de faire le diagnostic de dystocies mécaniques et de porter les indications de césariennes prophylactiques bien précisées par la HAS en 2012 [11] :

 obstacle praevia rendant l'acccouchement impossible : placenta recouvrant, fibrome ou kyste praevia ;

 bassin avec un indice de Magnin inférieur à 20 ;

 poids fœtal :

 ≥ 5 000 g ;

 > 4 500 g + diabète maternel ;

 siège :

 avec confrontation fœtopelvienne défavorable ;

 avec déflexion de la tête ;

 malformation fœtale : kyste sacrococcygien, omphalocèle volumineux, jumeaux conjoints (voir chapitre 17).

Épreuve du travail

Dans bien des cas, le bassin est normal et l'enfant paraît gros, autour de 4 000 g, ou bien l'enfant est de poids normal mais la femme de petite taille. L'issue du travail est incertaine pour l'obstétricien ou la sage-femme. Tout va dépendre du type de présentation antérieure ou postérieure et de la bonne ou mauvaise flexion de la tête. On peut proposer une épreuve du travail ou tentative raisonnable d'accouchement par voie basse. Elle débute quand la femme est dans la phase active du travail, vers 4 cm, membranes rompues. La surveillance se fera avec le partogramme (voir chapitre 3).

Des tentatives de classification des patientes à leur entrée en salle de naissance ont été proposées dans l'objectif de définir le succès de l'épreuve du travail et de la tentative d'accouchement par les voies naturelles. L'AUDIPOG en 2003, les équipes anglo-saxonnes en 2013 [8] ont ainsi proposé des profils de patientes à risque augmenté de dystocie (tableau 13.4 et 13.5).

Tableau 13.4

Tentative de classification des patientes à l'entrée en salle d'accouchement [2].

Primipares « à bas risque »Multipares « à bas risque »
Âge ≥ 18 et < 35 ansÂge ≥ 18 et < 35 ans
Absence d'antécédent médical ou gynécologique nécessitant une surveillance particulièreAbsence d'antécédent médical ou gynécologique nécessitant une surveillance particulière
Absence d'antécédent néonatal : ni prématurité, ni mort-né, ni mort néonatale
Absence d'utérus cicatriciel
Absence de pathologie au cours de la grossesseAbsence de pathologie au cours de la grossesse
Grossesse uniqueGrossesse unique
Présentation céphaliquePrésentation céphalique

Tableau 13.5

Tentative de classification des patientes à l'entrée en salle d'accouchement [19].

1Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail spontané
1Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, déclenchement ou césarienne programmée
2Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail spontané
3Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, déclenchement ou césarienne programmée
4Antécédents de césarienne, unique céphalique, ≥ 37 semaines
5Toutes les présentations du siège chez une nullipare
6Toutes les présentations du siège chez une multipare (y compris antécédents de césarienne)
7Toutes les grossesses multiples (y compris antécédents de césarienne)
8Toutes les présentations anormales (y compris les antécédents de césarienne, mais en excluant les présentations du siège
9Toutes les grossesses uniques en présentation céphalique, ≤ 36 semaines (y compris les antécédents de césarienne)

Il sera ainsi possible de distinguer les patientes à bas risque des patientes à haut risque. La conduite et la surveillance du travail pourraient être différentes, avec discussion :

 enregistrement du RCF continu ou auscultation intermittente ;

 déambulation maternelle ;

 direction active du travail adapté ;

 espacement des touchers vaginaux (toutes les 4 h recommandées par l'OMS).

Diagnostic pendant le travail

Stagnation du travail

Cette situation obstétricale constitue une des principales occasions du diagnostic de dystocie en cours de travail.

Elle associe une stagnation de la dilatation en première phase du travail et une absence de descente de la présentation à dilatation complète en deuxième phase de travail. Le rythme cardiaque fœtal est normal.

Savoir attendre

Dans ces conditions, il faut se garder de décisions obstétricales hâtives de façon à prévenir la première césarienne [21]. Nous avons vu que Zhang [25] et l'American college of obstetricians and Gynaecologists [5] proposent des seuils d'interventions différents de ceux proposés il y a plusieurs décennies par les équipes utilisant le partogramme de Friedmann. Ainsi, cette équipe rapporte des durées moyennes ou maximales qu'il convient de retenir avant de définir une stagnation en cours de première phase du travail et l'absence de progression en deuxième phase.

Chez la nullipare, le passage de 2 à 6 cm prend en moyenne six heures, et de 6 cm à dilatation complète 2,1 heures.

La dilatation complète atteinte, une augmentation de la deuxième phase du travail est possible en cas d'anesthésie péridurale, de 1,1 heure pour une nullipare, de 0,4 heure pour une primipare et de 0,3 heure pour une multipare.

Ainsi, une dilatation est considérée comme stagnante à partir de 6 cm, avec des membranes rompues et l'absence de modification du col pendant quatre heures en cas de contractions régulières et adaptées, et pendant six heures lorsque les contractions sont irrégulières et insuffisantes.

À dilatation complète, la non-progression (ni descente ni rotation) de la présentation sera admise chez la nullipare après trois heures sans péridurale et quatre heures avec péridurale.

Chez la multipare, le passage de 4 à 6 cm est en moyenne de 2,2 heures et celui de 6 cm à complète de 1 heure. À dilatation complète, la non-progression (ni descente ni rotation) de la présentation sera admise chez la multipare après après deux heures sans péridurale et trois heures avec péridurale.

Sous réserve d'un rythme cardiaque fœtal normal, il n'y a pas d'effet délétère de la durée de la deuxième phase (descente et rotation à dilatation complète) sur l'état néonatal apprécié par un score d'Apgar inférieur à 4 à cinq minutes, ou un pH au cordon inférieur à 7, ou d'intubation, voire d'admission en Unité de réanimation et de sepsis [14].

Ces constatations sont de nature à autoriser une prolongation de l'attente à dilatation complète, avec un rythme cardiaque fœtal normal, certainement au-delà des deux heures classiquement admises, surtout si la femme est sous péridurale [20].

Sans aller jusqu'aux propositions de Zhang qui ne reposent que sur des études de données de longueur des différentes périodes du travail et ne permettent pas d'affirmer qu'attendre autant n'est pas nocif pour l'enfant, il paraît donc licite, dans la surveillance de la première et de la deuxième phase du travail, d'avoir une attitude d'expectative plus prolongée avant de prendre une décision de césarienne pour échec de l'épreuve du travail, surtout si la femme a une péridurale.

Il paraît raisonnable d'attendre jusqu'à :

 quatre heures si la dilatation stagne après 6 cm, membranes rompues ;

 trois heures à dilation complète.

Anomalies des contractions

La stagnation du col en première phase du travail ou la non-progression de la présentation en deuxième phase du travail peut être en relation avec des anomalies de la dynamique utérine. Elles ne sont pas toujours très faciles à reconnaître. Les informations données par la tocographie externe sont d'ailleurs souvent insuffisantes car elles ne permettent de définir que la durée et la fréquence des contractions, mais en aucune façon de quantifier leur intensité.

Les hyspocinésies doivent être traitées par perfusion d'ocytocique. Le but du traitement ocytocique est d'obtenir une dynamique normale, mais en aucun cas on ne doit provoquer une hypercinésie qui conduirait peut-être à la dilatation complète, mais au prix d'une asphyxie fœtale aggravée par un probable forceps laborieux.

Hypercinésies de fréquence et/ou d'intensité

Ce sont les plus fréquentes, qu'il s'agisse de contractions très intenses ou au contraire de faible intensité mais très rapprochées, avec un tonus de base qui reste élevé. Parfois, les contractions sont très rapprochées, elles prennent un aspect bigéminé avec une contraction intense et l'autre plus faible. Ces situations se retrouvent volontiers chez une patiente agitée en travail depuis plusieurs heures avec une progression médiocre de la dilatation malgré l'utilisation des ocytociques. Le col est œdématié et rigide. Une disproportion fœtopelvienne et une présentation défléchie doivent toujours être recherchées. En l'absence de preuve évidente en faveur de l'un de ces deux diagnostics, l'arrêt des ocytociques et la mise en place d'une analgésie péridurale permettent souvent de corriger l'hypercinésie.

Une fois la péridurale installée, la perfusion de Syntocinon® doit souvent être remise en route pour rétablir une dynamique suffisante. Le résultat de ce traitement doit être positif dans les deux heures qui suivent et, en cas d'échec, la césarienne s'impose (voir chapitre 11, « Direction du travail », p. 151).

Anomalies du rythme cardiaque fœtal

Elles peuvent être la conséquence de la dystocie. Leur apparition doit faire rechercher la cause, en particulier une hypercinésie liée a une disproportion fœtopelvienne.

Nous avons vu (voir Chapitre 1, « Physiologie du fœtus in utero en fin de grossesse ») qu'une pression intra-utérine de plus de 80 mmHg interrompt la circulation dans les artères utéroplacentaires et, dès que la pression atteint ou dépasse 30 mmHg, la circulation dans la chambre intervilleuse diminue. Des contractions trop rapprochées, trop intenses, ou un tonus de base trop élevé, modifient l'apport d'oxygène ou de glucose au fœtus, la persistance de l'hypercinésie va entraîner une asphyxie fœtale qui se traduira par une altération du rythme cardiaque fœtal. Il faut donc diagnostiquer ces hypercinésies et les traiter avant que n'apparaissent les signes de souffrance.

Le monitorage du rythme cardiaque fœtal est très sensible (car être très sensible est très bénéfique) mais peu spécifique ; cela signifie un taux très faible de faux négatifs avec, en revanche, un taux important de faux positifs. Il enregistre ainsi des anomalies du rythme qui ne sont pas obligatoirement significatives et cela conduit à des extractions instrumentales ou des césariennes abusives par une application excessive du principe de précaution.

Le rythme cardiaque fœtal normal met à l'abri, a priori, d'une hypoxie ou d'une acidose. En revanche, l'interprétation des anomalies du rythme cardiaque fœtal est beaucoup plus délicate (voir chapitres 3 et 14). Toute analyse reposant sur l'interprétation reste subjective avec ce taux de faux positifs très importants.

Si le rythme cardiaque fœtal est normal ou franchement pathologique, il n'y a pas de place au doute quant à la prise en charge.

Si le rythme cardiaque fœtal est intermédiaire, la décision est difficile. Des propositions de stimulation du scalp, de changement de position, d'amnio-infusion, d'arrêt de perfusion de l'ocytocine ont été faites mais les données disponibles n'ont pas démontré leur utilité pour réduire le risque d'asphyxie per-partum.

D'autres alternatives peuvent également être envisagées :

 le pH ou les lactates au scalp reste pour beaucoup la méthode de référence mais constitue une méthode invasive, ne donnant que des informations intermittentes et induisant un certain nombre d'actions iatrogènes ;

 l'oxymétrie de pouls fœtal, et surtout l'enregistrement de l'électrocardiogramme fœtal (STAN), semblent prometteurs mais les effets sur une réduction du taux d'extraction instrumentale ou de césarienne en cours de travail n'ont pas été démontrés par les essais randomisés publiés (voir chapitre 14).

Conduite à tenir

Indications de la césarienne prophylactique

Il persiste bien sûr des indications incontournables de césarienne prophylactique et, de fait, des contre-indications absolues à l'épreuve du travail :

 obstacle praevia : placenta recouvrant fibrome ou kyste paraevia ;

 présentation fœtale dystocique: transverse ;

 macromie > 5 000 g ou > 4 250 + diabète ;

 pathologie maternelle bassin chirurgical ;

 pathologie fœtale : kyste sacrococcygien, volumineux omphalocèle.

Épreuve du travail

Dans toutes les autres situations à risque de dystocie, l'épreuve du travail peut être tentée.

L'épreuve du travail est une tentative raisonnable d'accouchement par voie basse en présentation céphalique.

Elle débute lorsque la patiente est dans la phase active du travail (c'est-à-dire à 3 cm, col effacé) et membranes rompues (rupture spontanée ou rupture artificielle).

L'indication a, en principe, été posée à la dernière visite. L'obstétricien de garde et la sage-femme qui ont en charge la parturiente reverront eux cette indication en début de travail. Ils examineraont le bassin, reverront le palper introducteur, referont éventuellement une mesure du bipariétal ou de la corconférence abdominale.

Les éléments du pronostic sont consignés dans le dossier obstétrical, de même que les recommandations pour la durée de l'épreuve et la réalisation d'une éventuelle extraction instrumentale (tableau 13.6).

Surveillance

Le partogramme est l'élément essentiel de la surveillance de l'épreuve du travail.

Le partogramme débute lorsque la patiente entre dans la phase active du travail, col effacé, dilaté à 3 cm, que les contractions sont régulières. L'épreuve commence lors de la rupture des membranes (spontanée ou artificielle à 4 cm).

La progression de la dilatation et de la présentation est surveillée, heure par heure. Les résultats des touchers pelviens sont consignés sur le partogramme ainsi que le type de présentation, sa flexion, la survenue d'une bosse sérosanguine. La dynamique utérine est également régulièrement observée (fréquence et intensité des contractions) par la clinique et ou la tocographie.

Le bon état fœtal est également constamment surveillé (rythme cardiaque, saturométrie, aspect du liquide amniotique enregistrement de l'électrocardiogramme fœtal).

En cas de dilatation régulière, d'engagement de la présentation, l'épreuve du travail se poursuit jusquà la naissance.

Si la dilatation progresse anormalement lentement, il est important d'en envisager la cause :

 en phase de latence de la première phase du travail, sous réserve d'un rythme cardiaque fœtal normal, un tranquillisant peut être prescrit (hydroxine [Atarax®]), voire un analgésique à visée sédative nalbuphine (Nubain®), jamais en les associant ;

 en cas de présentation postérieure ou défléchie, des changements de position de la parturiente (position latérale, position assise ou semi-assise) ont été proposées pour favoriser la rotation ou la flexion. Malheureusement, toutes les études correcte (essais randomisés) sur ce sujet sont négatives :

 en cas d'hypocinésie de fréquence ou d'intensité des contractions utérines, il faut :

 réaliser l'amniotomie, si les membranes sont intactes, car il est démontré que la rupture des membranes accélère le travail ;

 mettre en route une perfusion d'ocytocine (5 unités de Syntocinon® dans 500 cm3 de sérum glucosé isotonique). Le débit de perfusion est alors augmenté progressivement jusqu'à l'obtention d'une activité utérine satisfaisante. On respectera les consignes du tableau 13.7. D'autres modalités concernant la dose et les paliers d'ocytocine peuvent être utilisées ;

Tableau 13.7

Précautions d'emploi de la perfusion ocytocique.

Dose :

 5 unités d'ocytocine (Syntocinon®) dans 500 cm3 de sérum glucosé isotonique ;

 2 gouttes/min = 1 mU/min


Voie d'administration : intraveineuse (perfusion à la pompe)
Indication : doit toujours être précise surtout dans les sièges, les gémellaires, les multipares
Surveillance : du RCF par capteur externe ou électrode, des contractions utérines par tocographie externe (parfois interne), en particulier chez les obèses ou dans les utérus cicatriciels et fragilisés (grande multipare, excès de liquide)
Début :

 commencer par petites doses : 4 à 6 gouttes/min

 augmenter progressivement le débit toutes les 10 à 15 min

 dès qu'une activité utérine stable est obtenue pendant 30 min, essayer de réduire le débit de 20 à 30 %

 au-delà de 12,5 mU/min, le contrôle de la dynamique par tocographie est souhaitable ;

 au-delà de 5 unités perfusées, il faut revoir de façon très précise la nature de la dystocie justifiant le traitement et n'accepter de débuter le « deuxième flacon » qu'avec des arguments solides


Complications :

 en cas de saignement, de douleur anormale, d'hypercinésie, d'anomalie du RCF, toujours évoquer la rupture utérine surtout chez la multipare

 en cas d'hypertonie isolée, il faut arrêter la perfusion

 en cas d'anomalie du rythme cardiaque, il faut arrêter la perfusion et, si une hypertonie est associée, injecter un cinquième d'ampoule de salbutamol (100 μg) en intraveineuse directe

 une intoxication par l'eau sera soupçonnée devant des céphalées, une asthénie, des crampes musculaires, des crises convulsives, une hyponatrémie

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 en cas d'hypercinésie de fréquence ou d'intensité des contractions utérines, le risque d'œdème et de rigidité du col est grand, de même que celui d'anomalies du RCF. Il faut rapidement arrêter les ocytociques et proposer une anesthésie péridurale. Les antispasmodiques n'ont pas démontré leur efficacité.

Une hypercinésie sur utérus cicatriciel doit amener à considérer une possible rupture ou prérupture de la cicatrice antérieure et à césariser.

L'hypercinésie associée à des anomalies du RCF, une douleur importante ou des métrorragies doit faire évoquer un hématome rétroplacentaire et envisager une césarienne rapidement.

En cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal ne rendant pas immédiate la naissance, différentes solutions peuvent être proposées : oxygénothérapie, changement de position, correction d'une hypotension, stimulation du scalp, amnio-infusion, arrêt des ocytociques. Si le rythme cardiaque ne s'améliore pas rapidement, il faudra césariser (voir chapitre 14).

Si le RCF est normal, il ne faut pas césariser avant :

 quatre heures au moins de stagnation de la dilatation en première phase du travail ;

 deux ou trois heures d'expextative à dilatation complète sans descente de la présentation en deuxième phase du travail.

En cas de dystocie lors de la phase active de la deuxième phase du travail :

 concernant la durée des efforts expulsifs, il paraît là aussi que nos habitudes françaises de les limiter à 30 minutes doivent être revues. Les équipes nord-américaines s'autorisent une durée des efforts expulsifs nettement supérieure à celle autorisée en Europe avec, certes, des efforts de puissance moindre que nos habituels efforts expulsifs ;

 une étude rétrospective de patientes à bas risque sur 138 maternités françaises [14] confirme l'absence d'augmentation significative de l'acidose en fonction de la durée des efforts expulsifs. Prolonger cette période au-delà des 30 minutes classiquement admises par le dogme français, entraînerait :

 une diminution très nette des extractions instrumentales (baisse de 57 %) ;

 une diminution des échecs d'extraction ;

 une diminution des déchirures périnéales graves ;

 l'absence d'aggravation de l'état néonatal ;

 mais une augmentation des hémorragies du post-partum

Dans un travail analytique rétrospectif effectué dans le service [1], il semble que l'augmentation de la durée des efforts expulsifs diminue le nombre d'extractions instrumentales, en particulier par forceps, sans aggravation de l'état néonatal (liquide amniotique méconial, score d'apgar inférieur à 7 à 5 min, pH inférieur à 7,05) ni d'aggravation de l'état maternel (en termes d'hémorragie du post-partum). L'analyse des données indique que ces résultats sont obtenus jusqu'à trois heures d'expectative à dilatation complète et jusqu'à 40 minutes d'efforts expulsifs. Aucune amélioration n'est rapportée au-delà de ces délais.

Il faut faire une extraction instrumentale (ventouse, spatules ou forceps) si la présentation est engagée au détroit moyen et stagne dans l'excavation depuis une à deux heures.

Il faut s'assurer de :

 la dilatation complète ;

 la rupture des membranes ;

 l'engagement effectif de la présentation ;

 l'absence d'une volumineuse bosse sérosanguine ;

 l'orientation de la présentation (présentation antérieure, postérieure, transverse).

L'échographie de salle de travail a toute sa place en complément de l'examen clinique pour préciser le type de présentation et son engagement si on a un doute du fait d'une bosse sérosanguine :

 une échographie sus-pubienne repérera le côté du dos fœtal et les orbites répondent assez fidèlement à la question de la présentation postérieure ou non ;

 une échographie périnéale avec mesure de la distance périnée-boîte crânienne fœtale jugera de l'existence et de l'importance de la bosse sérosanguine et appréciera le caractère « possible » de l'extraction instrumentale. La distance périnée-boîte crânienne inférieure à 6 cm permet de penser que la tête est engagée [16] ;

 toute extraction instrumentale au tiers supérieur de l'excavation doit être exceptionnelle.

Cas particulier des présentations postérieures

Les présentations OIDP ou OIGP sont souvent mal fléchies et sont la cause de dystocie, en particulier lors de la descente de la tête dans l'excavation (voir chapitre 4). La rotation manuelle après avoir vidé la vessie peut permettre de débloquer la situation. La technique est décrite au chapitre 29. Le taux d'échec est de 11 à 25 % [15].

Devant une présentation du front, la flexion suivie de rotation manuelle a aussi été proposée [22].

Dans tous les autres cas où une naissance rapide est nécessaire et/ou l'application d'un instrument est impossible, il faut césariser.

Conclusion

La dystocie est un problème quotidien dans les salles de naissance.

La conduite à tenir doit faire une large part à l'expectative dans les dystocies survenant au cours du travail. Cette attitude est rendue possible par la péridurale qui permet de prolonger le travail sans inconfort pour la mère et sans risque pour le fœtus si le RCF est normal. Cette attitude d'expectative doit permettre d'éviter un certain nombre de césariennes au cours du travail. Cet avantage ne doit pas être acquis au détriment de l'enfant.

Il convient pour cela de disposer en permanence d'un partogramme bien tenu et de respecter les délais que l'on doit se fixer à l'avance, chaque fois qu'une décision thérapeutique est prise.

Au cours du travail (y compris à dilatation complète), la réalisation systématique d'une césarienne après deux heures de stagnation de la dilatation doit être reconsidérée du fait d'une diminution des césariennes en cas d'expectative prolongée (NP2, RPC) [6].

À l'instar de nombreuses recommandations, il paraît possible de proposer des commandements pour changer les mentalités obstétricales :

 connaître les non-indications de césarienne ;

 limiter l'induction du travail aux indications médicales, maternelles ou fœtales ;

 revoir les définitions :

 d'échec d'épreuve du travail ;

 de stagnation de la dilatation ;

 de durée du travail (les différentes phases, la dilatation complète, les efforts expulsifs) ;

 tenir un partogramme précis en continu ;

 être critique sur le rythme cardiaque fœtal ;

 former sans relâche à la voie basse instrumentale ;

 changer les mentalités sur la césarienne ;

 informer les femmes et la population des conséquences de la première césarienne ;

 revaloriser l'accouchement par voie basse ;

 ne pas craindre les aspects médicolégaux.

Enfin, les équipes médicales de « débriefing » devraient être plus précis :

 taux de voie haute sans indication médicale vraie ;

 taux d'induction du travail sans indication médicale ;

 taux de stagnation ou d'échec de déclenchement ne répondant aux critères ;

 taux de césarienne pour anomalies du rythme cardiaque fœtal ;

 taux de césarienne par groupe à risque de patientes.